Le 1er décembre, après des mois de tractations, le Bureau exécutif du Fonds Monétaire International (FMI) de Christine Lagarde vota l’intégration du Yuan parmi les devises constituant les Droits de Tirage Spéciaux (DTS) : « selon tous critères », le Yuan était devenu « librement utilisable » dans le commerce mondial. Dès le 1er octobre 2016, il occupera 10,92% du panier des DTS.
Signe du recul économique de la vieille Europe, c’est l’ Euro qui fait place à l’entrant : à 30,92% du panier, il perd 6,5% contrairement au US$ qui, avec 41,73%, ne cède que 0,2%.
Cette entrée au FMI est pour Pékin un succès diplomatique. Elle permettra à ses firmes de réduire leur risque de change, de facturer, emprunter hors frontières – ce qui serait utile, pour un pays dont la dette globale (intérieure) fait 17.000 milliards de $. De plus, désormais en prise directe avec le monde, les banques chinoises n’auront plus d’autre choix que de gagner en compétitivité pour éviter de perdre leurs marchés.
Sacré « devise mondiale », le Yuan deviendra aussi la cible de placements des fonds de pension et banques centrales : selon estimations, 600 à 1000 milliards de $ seront placés en obligations en yuan. Dès maintenant, le Conseil d’Etat promet l’ouverture du marché chinois des cartes de crédit, qui brassait 6840 milliards de $ (+33%) en 2014. Grands bénéficiaires attendus : Visa et Mastercard.
Le monde financier ne semble cependant pas aussi impressionné que le FMI par l’ouverture chinoise—pour lui, la « récompense » arrive trop tôt. C’est que, sur la masse du commerce mondial en Yuan (un volume encore faible, mais à croissance rapide), 70% représente le trafic chinois entre Chine et Hong Kong. En données corrigées, le véritable trafic mondial en Yuan ne pèse que 0,8%.
Jin Liqun, Président désigné de la Banque Internationale Asiatique d’Investissements (AIIB), ne s’y trompe pas, en disant : « une fois le Yuan au FMI, assurer de front la stabilité de sa monnaie et l’ouverture économique, sera pour l’Etat une lourde responsabilité ». C’est le moins que l’on puisse dire : cet été, une dévaluation de 2% du yuan destinée à le rapprocher du marché, a forcé Pékin à faire marche arrière pour enrayer la fuite de capitaux.
La Chine sera-t-elle d’accord pour laisser le monde acheter en masse son yuan ? Pour garantir la liberté de circulation transfrontalière, et découpler le yuan du dollar ? Tout cela aboutira à laisser le marché (et non le Parti) décider de la valeur du parc industriel chinois. Ce qui sera un genre de « minute de vérité ». Pour Derek Scissors, de l’American Enterprise Institute, ce n’est pas pour demain : « pour que le Yuan atteigne ce rôle de vraie monnaie-réserve, les chances à trois ans sont nulles, et à 8 ans, de 2% ».
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