Editorial : COP21 – La Chine change de cap

En 2009 à Copenhague, en collusion avec les Etats-Unis, la Chine bloquait la COP15 et son projet de traité mondial contre le dérèglement climatique. En 2015, elle a changé de camp : Xi Jinping réclame un accord «  intégral, équitable, ambitieux et contraignant ». 

Or, paradoxe, pour ces objectifs diamétralement opposés, la Chine a conservé les mêmes négociateurs. Pour arracher l’accord d’ici le 11 décembre, Su Wei, chef de la mission veut « faire que toute minute compte ». Xie Zhenhua, lui, souhaite que ce soient les experts qui parlent et non les chefs d’Etat – comme s’il déplorait rétrospectivement d’avoir dû, à la COP15, défendre une position nationale « de politiciens » et non l’intérêt commun de l’humanité ! 

De ce virage, Xie donne l’explication : parce qu’elle s’y était montrée passive et négative, la COP15 s’est soldée pour la Chine par un désastre en terme d’image qu’elle veut éviter de répéter. Devant la COP21, Xi Jinping réitère sa promesse de verser 3 milliards de $ au fonds climatique de l’ONU pour les pays démunis. Et il annonce 180 millions de tonnes de coupe d’émissions de CO2 en 2020 dans ses centrales thermiques, « -60% ». 

Au pays, les mesures vertes s’accélèrent. On teste la réforme des prix de l’électricité, introduisant des contrats à terme et des bourses d’échange entre centrales et distributeurs de différentes provinces, pour casser les monopoles au profit du consommateur. D’ici 2020, l’Etat veut tuer le chancre des déchets agricoles : 90% des ordures devront être « gérées », 100% des lisiers recyclés, tout comme 80% des films plastiques des serres et 95% des produits dangereux. 

Mais les experts mettent en garde contre trop d’optimisme : seuls les villages riches pourront s’offrir des déchetteries…Toujours d’ici 2020 (terme du 13ème Plan quinquennal), Pékin veut tirer 10% de son énergie du gaz – moins polluant. Problème : 2014 n’a vu cette filière progresser que de 8,5%, et 2015, que de 5 à 6%… Or pour atteindre l’objectif d’ici 2020, il faudrait désormais que le gaz augmente chaque année de 11%. D’où l’impératif, pour l’Etat, d’aller de l’avant : dès 2017, le prix du GNL devrait être libéré. Une autre mesure annoncée, essentielle, serait la séparation entre gazoducs (distribution) et producteurs. Mais sur la date, rien n’est dit. En mai 2016, Pékin veut lancer deux satellites d’observation, permettant de mieux traquer et réprimer les émetteurs clandestins de CO2. 

Malheureusement, en dépit de toutes ces bonnes intentions, la Global Warming Policy Foundation prédit que la Chine, à la COP21, ne prendra pas d’engagements contraignants. Et le fait que la Chine prépare 803 centrales thermiques et en bâtit 361, ne fait rien pour démentir. En un mot, elle n’est simplement pas prête pour basculer dans une économie à bas carbone. Même son modèle industriel fait obstacle, avec son plan quinquennal (son sacro-saint objectif de croissance) et sa NDRC, « usine à gaz » géante qui émet ses directives du haut vers le bas et maintient dans les provinces une surcapacité d’industries lourdes et polluantes. 

Qu’on ne s’y trompe pas, la décision politique est prise, et la Chine sait pourquoi. Rédigé par 550 scientifiques, son 3ème Rapport d’Impact du Réchauffement Global lui prédit en 2100, 40 à 60cm de montée des eaux – d’où une forte perte de territoire à prévoir, sans doute même la destruction d’une partie de ses villes côtières. Sa ressource en eau douce reculera de 5% en volume, compromettant agriculture et trafic fluvial. Aussi le régime sait qu’il n’a pas une minute n’est à perdre. Mais pour un si gros et si lourd navire, le changement de cap prendra longtemps.

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