Politique : Le bâton anti-corruption frappe tous azimuts

Au 1er novembre, pour deux mois, les limiers de l’anticorruption s’attaquent au seul secteur encore presque indemne jusque-là : la finance - Banques, assurances, bourse, agences de tutelle…et banques clandestines, et leurs exports de fonds au noir. 

<p>Le dernier en date, vendredi 13 novembre, est le plus spectaculaire : Yao Gang, brillant vice-Président de la Commission de régulation boursière (CSRC) cf photo. À 53 ans, il était le plus jeune haut cadre financier – six jours plus tôt à Fuzhou, il dirigeait encore un colloque sur le risque d’investissement. Docteur en économie de l’université de Tokyo, ayant débuté sa carrière comme président d’un groupe national de courtage, il tombe puni pour la gabegie galopante dans ses services, ceux des nouvelles entrées en bourse. 

En juin, suite à ce laxisme, la place de Shanghai avait « dévissé » de près de 40%, en dépit d’interventions coûteuses (100 milliards de $) et maladroites de l’Etat pour enrayer la chute. Il faut toutefois aussi noter cette autre cause possible à la disgrâce de Yao Gang, nommé en 2004 sous Hu Jintao, alors que Xi Jinping s’applique à éclaircir les rangs des cadres nommés par ses prédécesseurs…

À chaque arrestation, le motif se répète, sans peur du monocorde : « faute disciplinaire grave ». Mais le terme recouvre au cas par cas des reproches parfois fort différents. 

Trois jours avant Yao Gang, Zhang Yun, Président de l’ABC (la Banque Nationale de l’Agriculture) est arrêté : depuis janvier l’ABC voyait ses prêts faillis augmenter de 43%, à 179 milliards de ¥. Quoique ces pertes ne représentent que 2% des actifs, l’Etat s’inquiétait, car la tendance était générale : pour les 16 banques inscrites en bourse (Shanghai et Shenzhen) les mauvaises dettes ont gonflé en neuf mois de 20%, à 908 milliards de ¥. 

À Shanghai est arrêté Xu Xiang, patron de Zexi Investment, figure de proue de la finance privée, puis d’autres managers chez Yishidun, Huaxin Futures et China Fortune Futures : toujours au titre du nettoyage des écuries d’Augias de la bourse.
Surnommé « le kamikaze » pour son goût des placements quasi-illégaux, Xu Xiang avait un jour acquis « d’une touche de clavier » 31 contrats en une seconde, et fait en un mois 500 millions de ¥ de profits. Il était le genre de joueur que l’Etat souhaitait écarter, pour pouvoir relancer la bourse sur les bases soutenables du « nouveau normal ».
Quelques mois plus tôt, tombaient Zhang Yujun, assitant Président de la CSRC (autre responsable du dévissage boursier), et de Cheng Boming, Président de Citic Securities

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Entretemps, les coupes sombres se poursuivre dans les autres sphères du Parti, et régions de Chine

Le 10 novembre tombe Ai Baojun, vice-maire de Shanghai—le plus haut « tigre » en ville depuis Chen Liangyu en 2006. Là-encore, le limogeage peut être imputé aux doubles causes de corruption (ex-patron des aciéries Baosteel, de la zone franche de Shanghai – FTZ) et d’allégeance (il était proche de l’ancien Président Jiang Zemin).
Le 11/11 à Pékin, trébuche Mme Lu Xiwen, la vice-Secrétaire du Parti, et cheffe de l’école du Parti : donc de la Ligue de la jeunesse, fief de Li Keqiang et derrière lui, de Hu Jintao.
Au Hebei chute Zhou Benshun, l’ex-Secrétaire du Parti, et à Nanning (Guangxi), Yu Yuanhui le Secrétaire : est-ce la gouaille populaire, ou une consigne inofficielle qui voue à la chute « un tigre par province »?

Les régions à minorités ethniques n’échappent pas à la nervosité :
En Mongolie intérieure, Pan Yiyang vice-Président du territoire est arrêté depuis octobre, suivi du Président de la banque territoriale Yao Yongping. Song Wendai, l’ex-manager de la fonderie d’or locale Qiankun, a plus de chance : condamné à mort en 2012 pour vol de 134 kg du métal précieux, il a droit à un second procès.
Au Xinjiang, tombent Zhang Genheng, chef de la police aux frontières et Zhao Xinwei, rédacteur en chef du journal local, ce dernier pour « corruption ET critique de la ligne du Parti » – mystère.
Au Tibet, Chen Quanguo, le nouveau Secrétaire juste nommé, lance une campagne assez rare : il veut débusquer les cadres (tibétains) ayant envoyé aux études leurs enfants en Inde à Dharamsala, la capitale du Dalai Lama. 

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Au niveau central aussi, la campagne fait des ravages : 
Tombent Xiao Tan, ex-n°2 national des Sports, et Xi Xiaoming vice-Président de la Cour suprême chez qui furent déterrés 21 tonnes de billets roses.
À Tianjin, le 14 octobre, se tenait le procès de Li Dongsheng, ex-vice-ministre de la Sécurité Publique et intime de Zhou Yongkang – verdict en attente. 

Outre sur le crash boursier, l’Etat sévit aussi sur l’autre scandale de l’été, le titanesque accident chimique de Tianjin qui détruisit pour plus d’un milliard de $ d’infrastructures et causa 173 morts, ruinant pour longtemps la réputation de ce grand port aux hautes ambitions : chutent Yang Dongliang, chef de l’Agence Nationale de Sécurité au travail, et Zheng Qingyue, Président du port.

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Dans le monde industriel, sont inquiétés le commodore de China Southern, le n°2 de Dongfeng (groupe automobile de Wuhan), le n°1 de FAW (celui de Changchun), l’ex-CEO des laiteries Bright. La liste des victimes de cette plus rude campagne depuis la Révolution culturelle, pourrait s’allonger à l’infini : en 24 mois, elle dépasse les 100.000 noms !

A retenir : à ce jour, la liste ne compte pas de « hongerdai » (红二代), fils de la « seconde génération rouge ». Très soudés, ces 1000 à 2000 sexagénaires au faîte de leur puissance parviennent toujours à échapper à toute accusation. La CCID, et même Xi Jinping, ne peuvent les attaquer de front, au risque de causer l’éclatement du Parti.

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