La visite d’Etat du Président
Xi Jinping au
Royaume-Uni (19-22 octobre) a réveillé en Chine des émotions complexes. En effet, l’Empire britannique conduisait en 1793, la première mission diplomatique occidentale, avec Macartney apportant les joyaux de l’artisanat européen. 50 ans plus tard, suite aux guerres de l’opium, l’Angleterre imposait par la force à l’Empire du Milieu d’entrer dans l’ère moderne, en s’ouvrant au commerce international. Pour la Chine donc, elle est loin d’être un pays comme les autres.
Aujourd’hui, le rapport de force semble inversé, avec un Royaume-Uni affaibli recevant, avec tous les honneurs, un Xi Jinping puissant. Détail symbolique : le matin, Xi était reçu par la Reine en costume deux-pièces européen, mais au gala, il réapparaissait en anthracite veste Mao. Le message était clair : la visite était un retour à l’envoyeur, le solde du passé, enrobé de triomphe magnanime. Tout en déversant sur la vieille Angleterre un camion de financements et de technologies, la Chine affirmait « ses » valeurs et concepts, sans effacer ceux de l’Ouest, mais en les faisant cohabiter. Dans l’opinion britannique, cela causait une réaction douce-amère : les Droits de l’Homme toujours en panne en Chine, et surtout la nouvelle ombre portée par le nouvel Empire du Ciel sur celui de la Couronne britannique…Avec la Chine, le 1er ministre conservateur David Cameron a su mener une politique intelligente d’
engagement. Le pays accueille le plus d’étudiants (
150.000, pour 463 millions de $/an de droits de scolarité), et d’investissements chinois (« d
epuis 2011, plus que ceux en France, Allemagne et Italie réunis »). Xi, de son côté, accordait à Londres le privilège rare d’une visite à une seule étape—très conscient de l’intérêt d’un partenariat avec ce pays membre (crucial) de l’Europe, mais « eurosceptique » – n’y croyant guère. Aussi, pour matérialiser sa promesse d’une « décennie d’or » entre les pays, Xi signait une historique série de 150 contrats pour
62 milliards de $. Côté hydrocarbures : 18 milliards de $, dont 10 à
BP, pour livrer à
Huadian 1 million de tonnes de GNL/an durant 20 ans. Un autre accord de rupture, permettra à…
EDF de construire à
Hinkley en 2020 deux réacteurs nucléaires EPR (3,2GW, 27,8 milliards de $). Le groupe chinois
CGNPC en paiera le tiers, ce qu’EDF ne pouvait faire. Il financera aussi 20% de deux autres EPR à Sizewell (Est du pays). En retour, il construira une centrale de ses propres plans à Bradwell (Est de Londres), dont il sera aux 2/3 propriétaire, et pour laquelle EDF assurera la certification. De la sorte, avec l’aide du partenaire français, le nucléaire chinois s’achète une visibilité et une légitimité sur les futurs marchés internationaux.
HNA, le groupe aéronautique débourse 2,1 milliards de $ pour la motorisation
Rolls-Royce de sa flotte de demain. Pour 2,6 milliards de $,
ABP, le développeur chinois va rebâtir le quartier londonien de Royal Albert Dock, créant 30.000 emplois. Quatre milliards de $ iront dans la construction de paquebots de luxe de
Carnival Corp., pour la Chine, et 3 milliards de $ seront essaimés entre les deux pays, entre divers contrats britanniques en soins de
santé.On voit donc naître, avec cette mission qu’accompagnaient 150 patrons chinois, un modèle de coopération euro-chinoise, où la Chine cette fois, occupe le siège du conducteur. Dans ce nouveau modèle, le Royaume-Uni, sur les autres nations européennes, semble être précurseur.
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