Cela pourrait paraître une victoire pour les industries chinoises de la cybernétique sécuritaire : le 18 octobre à Pékin, par la voix de son vice-Président Steve Mills, IBM acceptait de divulguer les codes sources de certains de ses produits au MII, ministère des Industries de l’Information.
Cette concession, la Chine la réclamait depuis 10 ans, sans succès. Les équipementiers occidentaux refusaient tout net, préférant renoncer au marché chinois plutôt que de risquer le piratage de leurs produits. Car ce code source pouvait ensuite, sortant du ministère, atterrir à la concurrence locale, éradiquant des décennies de R&D.
A y voir de plus près pourtant, le choix d’IBM apparaît moins suicidaire, qu’inéluctable après le scandale Snowden. En 2013, ce transfuge de la NSA américaine avait révélé que son ex-agence écrémait les données des cinq continents (y compris donc, de la Chine), à partir des services et équipements de télécoms déployés à travers la planète par les grandes maisons américaines, y compris IBM.
Depuis, la Chine s’était dotée d’un arsenal de strictes lois de sécurité informatique et écartait de ses achats publics les produits étrangers. Résultat : au 1er semestre, des marques nationales telle Huawei voyaient bondir de 43% leur part du marché local. C’était une mauvaise nouvelle pour IBM, grand détenteur de brevets, un marché chinois évalué à 135 milliards de $ par an risquant de se refermer.
Aussi IBM vient de répéter qu’il n’ouvre sur ses produits aucune « porte de derrière » à l’Etat américain, qui lui permettrait d’accéder aux données de ses clients. Et il offre au MII de le vérifier, par cet accès direct de ses inspecteurs aux codes sources. Mais la concession a ses conditions : les agents du MII n’y accéderont qu’en temps limité, qu’en salle IBM sécurisée, et qu’une fois fouillés pour écarter tout gadget d’espionnage.
En contrepartie de sa coopération, rien sans rien, IBM obtient l’agrément pour diffuser Bluemix, son logiciel de développement et de test de programmes dans l’environnement « nuage » (cloud), l’avenir d’internet. Il le fera en JV avec le groupe chinois 21Vianet, maître d’un important centre de gestions de données.
Ce faisant, IBM ne prend qu’une faible avance sur d’autres géants du net tels Amazon, Qualcomm, HP ou Microsoft… Tous le talonnent en Chine, négociant des accords de coopération avec des groupes locaux et leurs autorités de tutelle. Paris vaut bien une messe, en l’occurrence, une place sur cet imminent premier marché mondial de la toile et de ses services.
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