À jour « J-35 » de la Conférence climatique COP21 à Paris, Le Vent de la Chine fait le point sur la santé du charbon en Chine : faiblissante, mais ne crions pas victoire trop vite, le charbon reste toujours ultra-majoritaire dans le mix énergétique.
Dans les années 2000, au passage de chaque train de charbon vers Pékin, les paysans d’un village misérable ratissaient la cime des wagons, dérobant ainsi quelques tonnes par semaine du précieux combustible.
Aujourd’hui on ne vole plus le charbon– il n’en vaut plus la peine. Dès 2014, il ne valait plus que 30€ la tonne, 25% du prix de 2013. Les salaires des mineurs avaient baissé de 60%, et les deux-tiers des mines étaient déficitaires : les fermetures se multipliaient.
Le 30 septembre au Heilongjiang, Longmay, le plus grand groupe de tout le Dongbei licencia 100.000 mineurs, 40% du personnel. Au Ningxia récemment, trois bandits furent exécutés pour avoir tué plusieurs mineurs afin toucher la prime de décès, se faisant passer pour parents du défunt.
Le charbon, même en fin de cycle, coûte à l’environnement : à Fushun (Liaoning), suite à 40 ans d’extraction sans remblayer les galeries, 42% du territoire s’affaisse jusqu’à 20cm /jour, forçant les habitants en surface à l’évacuation immédiate…
Cause n°1 du recul du charbon : la surproduction. En 2014, le pays extrayait 3,87 milliards de tonnes, assez pour la Terre entière! Mais la chute a aussi été accélérée par le choix politique de l’Etat, d’alléger sa dépendance à une pollution qui tue 500.000 habitants par an.
En 2014, le financement en énergies renouvelables atteignait 83 milliards de $, faisant de la Chine le premier investisseur « vert » mondial. En 2020, Pékin vise 200 GW d’énergie éolienne et 100 GW en solaire, sans compter les 58 centrales nucléaires.
A la campagne, « l’après-charbon » semble avoir été mieux préparé par l’Etat, en y subventionnant depuis 20 ans la diffusion d’énergies alternatives.
Les fosses à méthane sont dans 150 millions de fermes (un tiers du total) : l’Etat fournit les matériaux, et le fermier son travail. Transformant les déchets (paille, WC, lisier), la fosse livre à chaque ferme assez de gaz pour préparer trois repas par jour. Suivant la même technique, des usines plus imposantes se préparent, comme au Hebei en 2015 : pour 150 millions de $ dont 50% à charge de la Banque Mondiale, 96.000 foyers dans six villes recevront 42 millions de m3 de biogaz par an, évitant l’émission de 60.000 tonnes de CO2 dans l’atmosphère.
De même, Pékin subventionne l’installation de dizaines de millions de chauffe-eaux solaires, et a payé depuis 2010, 3,4 milliards de $ aux usines productrices.
La révolution des crédits-carbone
En 2013, le pouvoir a commencé à installer sept bourses-carbone, entre la côte, Chongqing et le Hunan.
Sur les territoires couverts, usines ou mines reçoivent annuellement des crédits carbones, dont les éventuels reliquats peuvent être revendus en bourse en fin d’année. L’objectif est de forcer ces entreprises à devenir propres, ou à fermer. En 2017, les sept zones seront relayées par un marché national sur le pays entier. Rapidement, ce marché carbone unique pèsera le double, en valeur, de celui de l’Union Européenne.
Toutefois il y a un « hic » : ces bourses carbone ne fonctionnent pas encore très bien. Chaque entité a eu tendance à délivrer trop de quotas, réduisant le sentiment d’urgence chez les patrons à courir vers le bas carbone. D’autre part, le système, laxiste, permet trop de fraudes.
On en est là. Un lourd travail reste à faire pour rendre le système opérationnel. De plus, en Europe, des voix s’élèvent pour réclamer le remplacement du crédit carbone par une « taxe carbone » – plus facile à appliquer, moins facile à flouer.
Pour ce qui concerne la Chine, une chose est sûre : elle poursuivra sa longue marche vers la bourse carbone. En effet, par rapport à la plupart des autres pays, elle dispose de deux atouts-maîtres : son économie d’échelle (23% de l’humanité sous sa tutelle) et son pouvoir autoritaire lui permettant d’imposer plus vite la gouvernance de son choix. De la sorte, elle peut espérer affiner ce système pour décarboniser son économie plus vite que les autres continents.
N’enterrons pas si vite le charbon !
Enfin, qu’on ne s’y trompe pas : en l’Empire du Ciel, le charbon a encore de beaux jours devant lui. De 64% du mix énergétique en 2015, Pékin n’espère réussir à le faire descendre qu’à 62% en 2020.
Les investissements houillers y demeurent très forts, car il n’y a pas –encore– d’alternative vu l’intensité de ses besoins.
Ainsi à Dananhu (Xinjiang), une mine encours d’équipement s’apprête à extraire 10 millions de tonnes/an. Sur son flanc, une centrale « supercritique » à émissions réduites brûlera son charbon, fournissant 1,4GW de courant, qui voyagera 4000 km par ligne à super haute tension jusqu’à Zhengzhou (Henan).
Sur ce modèle économique, au premier semestre, le Xinjiang a fourni à la côte 14.600GW, plus du double d’il y a 12 mois. Bonne affaire pour des provinces côtières aussi lourdement peuplées que polluées. L’énergie leur parvient, mais pas l’air sale, qui reste sur place, au désert du Taklamakan.
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