Investissements : Pacte transpacifique – Pékin, deux pieds en dehors

Après 7 ans d’efforts, Barak Obama boucle le plus ambitieux chantier de son second mandat : le TPP, « Partenariat Transpacifique » est conclu le 5 octobre à Atlanta entre 12 pays riverains du Pacifique entre Amériques, Asie et Océanie

Le TPP impressionne de par son ampleur – 800 millions de consommateurs, 40% de l’économie mondiale, 30.000 milliards de $ de PIB par an – et par son champ d’action, incluant tous secteurs. Il coupe ou allège 18.000 positions tarifaires, notamment pour tout produit textile. Il prétend bannir protectionnisme et piratage, et impose de hautes normes environnementales, anticorruption (transparence des marchés) voire éthique (part de salaire dans la valeur générée).
Or l’accord laisse la Chine à la porte, au nom (ou sous prétexte) de ces normes trop élevées pour elle.

Certes, ses auteurs déclarent n’exclure personne, mais la méfiance envers Pékin se ressent dans la voix d’Obama : « en économie planétaire, nous ne pouvons laisser la Chine fixer seule les règles ». Elle est plus encore claire dans celle d’Ashton Carter, Secrétaire à la Défense : « pour nous, le TPP est plus qu’un porte-avions. Il va aider à préserver un ordre international conforme à nos valeurs et nos intérêts ».
Néanmoins, le contenu du TPP est encore difficile à évaluer. Pascal Lamy, ex-secrétaire général de l’OMC, prédit un résultat « modeste » : pour obtenir l’accord des partenaires, Obama a dû en fin de compte lâcher du lest. 

Il n’empêche : Obama se targue d’un accord « inclusif », bénéfique même aux PME.
Sous 15 ans, le bœuf américain verra sa taxe au Japon baisser de 38% à 9%, et l’automobile nippone entrera aux USA à des conditions imbattables. Par l’export de crevettes, poissons, et de médicaments, et par un afflux d’investissements étrangers, le Vietnam escompte 11% de PIB supplémentaire en 2025. Le quota de sucre australien vers les USA passera à 152.000 tonnes (+23%). Les pays laitiers du TPP prétendent tripler leur traite, pour couvrir les besoins asiatiques…

Trois dispositions « à problèmes » vont cependant faire couler de l’encre : 
– la clause du « règlement des contentieux entre investisseurs et Etats », où un lobby peut contourner une loi, même environnementale, s’il trouve une cour d’arbitrage internationale pour la désavouer ;– la tentative des lobbies américains (tels pharmaceutiques) pour rallonger la validité de leurs brevets—une démarche bien protectionniste ; – le « renforcement de la transparence sur les marchés biotech agricoles », euphémisme pour une tentative de forcer l’ouverture des marchés aux OGM.

Aux Etats-Unis même, les adversaires à la ratification du TPP ne manquent pas, brandissant souveraineté nationale, principes démocratiques, et parfois mus par des considération de rivalité politique.
Telle Hillary Clinton, une des auteurs du TPP, mais qui le renie à présent, une fois candidate à l’investiture démocrate aux présidentielles de 2016… Toutefois selon les observateurs, ces remous ne devraient pas empêcher le TPP de passer au Congrès : le vote doit se faire à la majorité simple et sans amendements. 

Et la Chine, face à ce show dont elle est écartée ? Curieusement, elle ne lui réserve pas si mauvais accueil —quoiqu’elle risque d’y perdre jusqu’à « 2,2% » de son PIB, dixit Ma Jun, chercheur à la Banque Centrale. L’expert Wang Yong positive : « avec ses normes de pointe, le TPP stimulera la Chine à aller plus vite dans ses réformes ». Et le ministère du Commerce soutient du bout des lèvres le pacte, « comme tout ce qui peut accélérer l’intégration régionale ». 

À cette modération magnanime, Pékin a une bonne raison : la force est de son côté.
Ses échanges avec l’ASEAN pèsent déjà 500 milliards de $, dont 90 hors taxes.
Avec 5 des 12 pays du TPP, elle a déjà signé un accord bilatéral de libre-échange.
Du 12 au 16 octobre à Séoul, elle négociait en outre avec 15 pays dont l’ASEAN un accord « RCEP », rival du TPP, qu’elle espérait conclure d’ici décembre.
Comme autres outils, elle a aussi, ses banques qui prêtent à l’Asie déjà plus que la Banque Mondiale et l’ADB (Asian Development Bank) réunies (119 milliards de $ en 2015). Elle a aussi comme autre fer au feu, sa nouvelle stratégie de redéploiement des Routes de la Soie… 

En résumé : la Chine est en avance sur les USA en traités de libre-échange, et commence à se détourner des accords bilatéraux, vers ceux multilatéraux—plus puissants et rentables.
La suite du scénario semble déjà écrite en pointillés : d’ici quelques années (pour ménager les susceptibilités) la Chine pourrait vouloir entrer au TPP.
Déjà Taro Aso, le 1er Ministre japonais, « ennemi » de Pékin, l’invite à demi-mot au TPP –et accélère d’un commun accord la réconciliation : l’entrée chinoise au pacte « contribuerait à la sécurité du Japon et à la stabilité régionale ».
Ainsi ce TPP, initialement conçu pour restaurer l’influence américaine (« pivot ») sur l’Asie, serait ré-aiguillé : plutôt que d’isoler la Chine, il l’aidera à aller vers des modes de fonctionnement favorisant les échanges, et la démocratie par le commerce.

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