C’est en période de
crise que la Chine sait se montrer la plus convaincante, en maniant des énergies cachées, témoin de sa frappante résilience. Déployant dans l’urgence une masse d’initiatives volontaristes, elle conçoit un « plan B », exécuté dans la foulée par son armée de fonctionnaires et d’organes disciplinés. C’est de la sorte qu’après sa terrible chute de 5100 à 3000 points en 50 jours, la bourse entame une frêle remontée à 3200 points (9 septembre), suite à l’hyperactivité d’un « comité de salut public » :(1) la police passe dans les maisons de courtage pour interdire toute vente de titres ou fuite de capitaux ;
(2) banques, conglomérats sont « invités » à acheter des parts chaque après-midi, pour inspirer un raffermissement de l’index avant clôture.
(3) la CSRC s’apprête à imposer sous 15 jours un « disjoncteur » en bourse, interrompant les opérations 30 minutes en cas de 5% de chute de l’index, et jusqu’au lendemain en cas de 7%.
(4) pour réduire les pertes des agioteurs pris au piège, la taxe boursière est allégée, et sur les marchés à terme, l’opérateur qui signait hier jusqu’à 600 contrats, n’en a plus droit qu’à 10.
En Chine et ailleurs, les édiles courent rassurer les foules. À Dalian, au « Summer Davos » du World Economic Forum, s’exprimaient le Premier ministre Li Keqiang et Xu Shaoshi Président de la NDRC ; dans le Zhejiang, Liu He, conseiller de Xi Jinping ; au G20 des « Finances » à Ankara, Lou Jiwei le ministre des Finances. Tous martèlent un message unique : le « correctif boursier est presque achevé », les « fondamentaux sont sains (croissance raisonnable, salaires et prix stables ». « Un PIB de 7% est assuré, pendant 4 à 5 ans ». La preuve : les +1,6% de fret ferroviaire en août, les +2,47% d’électricité, les 7 millions d’emplois créés de janvier à juin. Aussi, le rebond est engagé, bientôt appuyé par les réformes de la finance, de la taxation et des conglomérats.
À ces mesures exceptionnelles viennent se rajouter les classiques : renonçant à son dogme d’austérité budgétaire (à vrai dire déjà bien ébréché cette année), Lou Jiwei à Ankara, prédit une hausse de 10% des dépenses publiques à 270 milliards de $. Ce sera pour aider les conglomérats à résorber leurs surcapacités et pour poursuivre l’équipement en infrastructures—tel ce réseau national d’oléo-et gazoducs souterrains, approuvé en août, au coût présumé de 1000 milliards de ¥.
Ces dépenses ne doivent plus être supportées par le seul Etat – ni même les provinces, hyper endettées. L’éventail de « PPP » (Partenariat Privé-Public) se met en place pour attirer vers certains projets du capital social, au moyen de fonds mixtes ad hoc, tel le fonds « Greenland/China Construction Bank » (et autres partenaires) de 12 milliards de $, spécialisé dans les métros, avec 50 villes clientes potentielles.
Tempérons toutefois l’enthousiasme face à ces initiatives : elles ont leurs limites. Le 7 septembre, la NDRC revoyait le PIB de 2014 à la baisse de 0,1%, à 7,3%. La bourse elle, remonte, mais reste… dans le coma : seuls les acteurs de l’Etat jouent (contraints et forcés) sur ce marché bridé et aux échanges tronqués à 90%. Le tableau des marchés à terme par exemple, qui culminait fin août à 2,43 millions de transactions par jour, n’en faisait plus que 23.000 le 8 septembre. Les « véritables » acheteurs, ceux du privé, attendent leur heure—celle de revendre, pour récupérer leur capital—ou plutôt ce qu’il en reste !
Sommaire N° 31 (XX)