Petit Peuple : Nankin, Wang, le voleur dandy (Partie 2)

Résumé 1ère partie  : Jeune enfant gâté d’une famille anciennement noble, Wang se met à cambrioler les villas de nouveaux riches…

Le lendemain matin, Wang pénétra dans une autre résidence, après s’être assuré que la voie était libre. 

Entrant dans le spacieux salon orné d’une série de tableaux contemporains exaltant Mao Zedong en billets de banque roses, il s’assit au piano, et entama quelques notes… Une fois son petit concert terminé, Wang remit à jour son compte « WeChat » par un selfie, déplorant sa moindre virtuosité due à sa foulure au poignet de la veille. 

Passant à la cuisine américaine, derrière le bar, il grignota sur le pouce une assiette de raviolis froids trouvée au frigo, arrosée de quelques bières japonaises délicieusement fraîches.

Retournant au salon, il songea avec ennui qu’il devrait tout de même prendre au sérieux ce métier de voleur : trouver des bijoux, des devises aisées à écouler. Mais à l’issue de sa visite, son butin était dérisoire : une petite liasse de monnaie trouvée dans la coiffeuse de madame, un collier de pierres sans doute fausses, trois statuettes d’ivoire aux traits grossiers. Avec ce maigre butin, il aurait bien du mal à tenir plus de quelques jours… 

Mais qu’importe ! Wang était plus intéressé par la bravache que par l’appât du gain. Il prenait un malin plaisir à s’imaginer les visages stupéfaits des copains et copines, l’observant sur WeChat, en train de mener la belle vie ! 

Alors que Wang restait plongé dans ses rêves de grandeur, Mr Xia, le véritable maître des lieux, actionna depuis sa BMW gris métallisé, la commande du garage, provoquant un cliquetis qui tira l’intrus de sa bienheureuse quiétude… Mais Wang avait prévu le coup : il n’eut plus qu’à sauter par la fenêtre ouverte à l’avance, pieds joints dans la sécurité de la fuite. 

Ebloui par la facilité de son activité bohème, l’écervelé n’attendit pas 24 heures pour récidiver. A 16 heures, il se présentait devant une villa déjà repérée, qu’il pénétra par la porte du jardin. Il découvrit alors, la maison de Mr Chen, grossiste en vins fins et collectionneur d’objets de la préhistoire. 

Non protégé par une alarme, le musée aux délicates vitrines se trouvait à la cave. Wang admira la pièce maîtresse, un crane d’un félidé géant aux quatre canines acérées protubérantes. Là, sans la moindre idée de leur valeur, juste mû par le désir enfantin de les posséder, il empocha une poignée de grattoirs et pointes de flèches taillées de l’ère magdalénienne. 

Remonté au rez-de-chaussée, il se choisit dans la cave à vins une bouteille de Dom Pérignon, en toute simplicité, ainsi qu’une flûte de cristal. 

S’installant sur le sofa face à la terrasse, il but avec componction ses 75 centilitres, à petits gorgeons, avouant par écrit, toujours sur WeChat, que c’était ainsi, pas autrement qu’il concevait l’existence. Puis il s’en alla benoîtement, un peu ivre, sans être inquiété – le maître des lieux était en voyage d’affaires…. 

C’est dans un internet-café de son quartier que la police, alertée par les plaintes des deux premiers richards visités, lui mit la main au collet deux jours plus tard. Si concentré était-il, qu’il ne vit pas s’approcher les limiers, et se retrouva alerté bien trop tard, par le clic d’une menotte à son poignet. Ils l’avaient retrouvé dare-dare, grâce à ses photos des lieux que les victimes avaient pu identifier. 

Idiot, Wang ne l’était évidemment point. Mais atteint de ce mélange de langueur et de vanité, il était plutôt un jeune mythomane obsédé du désir de « paraître », et de prouver (contre toute vraisemblance) qu’il avait réussi, lui aussi ! 

En cellule, Wang prépare fiévreusement son procès, qui est imminent. Malheureusement pour lui, il n’y a aucune chance que le juge fasse preuve de mansuétude : surmenés par leurs myriades de cas à traiter, ces magistrats n’ont pas de temps à perdre à suivre les méandres tortueux de la psychologie. Et puis sur le fond, contrairement à sa très haute image de lui-même, Wang n’est à leurs yeux qu’un petit malfrat comme tant d’autres, méritant amplement trois ans au trou. Que voulez-vous, Wang avait « chanté comme un coq, mais volé comme un chien » (鸡鸣狗盗 jīmínggǒudào), car « l’art » ne suffit pas sans « la manière », et cela, en Chine, ça ne pardonne pas !

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