Tandis que le 7 juillet les regards du monde étaient rivés sur la Grèce, la Chine haussait les épaules : en trois semaines, ses places de
Shanghai et Shenzhen venaient de griller 3250 milliards de $, l’équivalent de 12 PIB grecs. Shanghai vivait un cauchemar, voyant sa bourse perdre 32%, depuis le 11 juin (et Shenzhen, 41%).Ce qui frappe est l’attitude de l’Etat : comme lors de la crise de 2008, il choisit (4 juillet) d’intervenir et de renflouer ses groupes publics, en faisant soutenir leurs titres au moyen de 19,4 milliards de $ « prêtés » à 21 maisons de courtage. Le plan de sauvetage était complété par le gel d’introduction de toute nouvelle valeur. Et les acteurs financiers gelaient toute revente, en dessous d’un indice de 4500 points. L’Etat donc se déjugeait par rapport à sa promesse de novembre 2013, lors du 3ème Plenum, de « laisser un rôle décisif aux forces du marché ».
Ainsi, en début de semaine, les titres publics avaient un peu remonté. Pour cause, les 19,4 milliards de $ les soutenait presque seuls, laissant les compagnies moyennes et privées, et les petits actionnaires « boire la tasse ».
Ce qui n’a empêché, cette semaine, le plan de sauvetage de faire long feu : les ventes sauvages continuaient, impossibles à arrêter. Encore le 8 juillet, Shanghai perdait 6% et Shenzhen 3%.
Cette crise semble avoir pour origine la pratique dite « d’emprunt sur marge », où le (gros) joueur hypothèque ses parts, pour pouvoir en acquérir plus. Cela marche tant que la bourse monte. Mais dès qu’elle descend, le prêteur réclame un complément de parts, pour compenser la baisse de valeur de l’hypothèque. En face, comme parade, propriétaire et émetteur du titre s’entendent pour le « geler », le rendant incessible. Cette pratique existe dans toutes les bourses, mais alors qu’à New York elle concernait 3,5% des parts en circulation, à Shanghai début juin, elle en touchait 12% .
Aussi le 8 juillet, par réaction, 51% des 2800 titres des places de Shanghai et Shenzhen étaient gelés—toute la bourse chinoise était paralysée. Et le soi-même, l’Etat jouait le tout pour le tout, en injectant plus de 100 milliards de $ en bourse et hors bourse : en rachats de parts, stimulus et projets d’infrastructures…
Ce que cette crise dévoile, est la vulnérabilité d’un marché toujours faussé par l’intervention du régime.
En théorie, la finance chinoise est supervisée par les tutelles de la CSCR (bourse), CBRC (banques) et la Banque Centrale (monnaie). Mais ces dernières sont rigides, non commerciales, et sans indépendance, obéissant aux ordres du PCC. Elles sont aussi en proie à des luttes internes permanentes, conflits personnels et de privilèges de maison, se paralysant mutuellement. Et leurs consignes sont en permanence inspirées des intérêts des lobbies « rouges ». C’est ainsi que les entrées en bourse, en 2014, avaient été rétablies sans réforme : les nouvelles valeurs obtenaient leur feu vert, non en respectant une liste de critères comme à Hong Kong, mais en suivant le libre-arbitre du Président de la CSRC.
Finalement les 9-10 juillet, l’intervention accrue de l’Etat, allant jusqu’à dépêcher des policiers dans les travées de la bourse pour décourager les vendeurs « à la sauvette », obtenait des résultats : l’indice remontait de 13% en deux jours. Mais pour cette place meurtrie et ces millions de petits porteurs empêchés de vendre, la messe est tout sauf dite.
Sommaire N° 27-28 (XX)