Petit Peuple : Chifeng – La Chute de Zhao Liping, policier modèle (dernière partie)

Avertissement : Cette histoire se déroule en Mongolie Intérieure, avec pour protagoniste le chef de la police. De ce fait, certains détails n’ont pas été dévoilés dans les media. Aussi, nous invitons nos lecteurs à percevoir ce Petit Peuple d’un œil différent : moins comme le rapport froid de la réalité, que comme une vision compatissante, tournée sur l’être humain et la passion, plus que sur le rang et la fonction.

Résumé des parties 1 et 2 : Chef de la police de Mongolie Intérieure, Zhao Liping s’est amouraché de Li Lanping, petite vendeuse à Chifeng, qu’il comble de bienfaits – dans l’illusion dangereuse de garder sa jeunesse.

En décembre 2013, juste après son passage en retraite, les nuages noirs s’amoncelèrent sur Zhao Liping, embarqué depuis quelques années dans une vilaine combine. En 2008, des cadres de son pouvoir local avaient acquis secrètement un terrain à Shenzhen, mais avaient ensuite failli à leurs obligations. Il y avait donc litige avec les édiles de la ville du Sud. Un an plus tard, l’affaire remonta jusqu’aux oreilles d’un haut cadre pékinois qui exigea dès lors un « cadeau » en échange de son silence. Refusant tout argent pour limiter les risques d’enquête pour corruption, il demanda une antiquité, hors de prix. Zhao se proposa alors de collecter les fonds (1,3 million de ¥), d’acquérir la pièce, et de la livrer. Mais là encore, le deal dérapa, Zhao ayant empoché le cachet, sans jamais acquérir l’antiquité… Ainsi, l’affaire éclata au grand jour, et un proche de Zhao fut arrêté, condamné à perpétuité en décembre 2013. Hanté par ces inquiétantes nouvelles, Zhao en perdait le sommeil ! 

Or les nuits à Chifeng, Lanping le voyait cauchemarder, s’éveiller en criant. Elle le câlinait, le rassurait, recevait ses confidences et finit par tout savoir… Pendant des semaines, elle réfléchit à l’histoire de Zhao, devint taiseuse. 

Le 19 mars, elle s’ouvrit à lui, minaudant, se tordant les mains : crise oblige, la boutique qu’il lui avait offerte, ne vendait plus rien, était à deux doigts de la saisie pour dettes. A moins de trouver un million de yuans sous 48h, elle allait tout perdre. Sauf qu’à Pékin, des collègues à lui, de la police du Parti, l’avaient contacté, et ne demandaient qu’à l’aider, pour peu qu’elle révèle ces secrets qu’il lui confiait sur l’oreiller… En somme, les choses étaient claires : ou Zhao les sauvait tous deux, en payant ce petit million—pour lui, une misère ; ou bien ils coulaient ensemble, elle dans la misère, lui en prison, mais alors, de ses sous, il n’en aurait plus aucun usage ! 

Il la dévisagea, hagard : qui était au juste cette fille allongée à ses côtés ? Ses yeux soudain se décillèrent : elle n’avait jamais été qu’une petite ambitieuse de province, en train de plumer son barbon… Elle l’avait manipulé, et elle devenait un danger pour sa fortune, sa liberté même ! 

La nuit fut blanche pour Zhao mais vieux renard, il sut cacher sa rage. Le lendemain sur un baiser sans nulle sincérité, il partit « quérir les fonds ». Il alla en fait chez un receleur qui lui devait une fière chandelle. Après protestations de principe, l’homme lui céda un revolver avec balles, une pelle, une couverture, un jeu de plaques d’immatriculation qu’il monta sur son Audi noire. 

Zhao partit en repérage dans la montagne. Puis l’après-midi, il appela Lanping : il avait le magot, cent pavés de 10.000¥ dans une valise. Il l’invitait à fêter ça dans un restaurant d’hôtel, comme ils faisaient parfois. Bien sûr, en fait de dîner aux chandelles, ce qu’il méditait était un « banquet de la porte Hong » (鸿门宴), nom chinois pour un meurtre en coup de Jarnac.

Il se mit en planque au parking de l’hôtel 5 étoiles. À 19h elle arriva au volant du coupé blanc qu’il lui avait offert à l’automne. Jaillissant de l’Audi, Zhao brandit son flingue, la visa bras tendus, appuya 2 fois sur la gâchette, sans un mot, terrible. 

Blessée à l’épaule et la cuisse, elle se jeta dans sa voiture et s’enfuit. Il la poursuivit en rodéo à travers la cité. Grillant les feux, prenant les sens unique à contresens, Lanping haleta, exsangue. De son portable, elle appela le 110, n° d’urgence de la police : « Zhao Liping m’a tiré deux balles, il veut me tuer ». Mais avant que le planton sidéré puisse réagir, elle raccrocha : Zhao l’avait rejointe dans une résidence où elle s’était engouffrée, proche de l’évanouissement suite à l’hémorragie. Zhao força la porte de sa voiture, tandis que Lanping implorait sa grâce : « Trop tard, mon amour, je ne peux t’écouter », dit-il d’un soupir, avant de lui tirer la dernière balle dans la tête, et de la prendre dans ses bras, pour jeter le corps agonisant dans son coffre, emballé dans la couverture. 

Rien qu’avec la course poursuite à travers Chifeng et l’exécution en pleine résidence, Zhao ne savait que trop bien qu’il avait laissé assez de traces pour se faire repérer. Cela ne l’empêcha pas de continuer à émailler la piste sanglante d’autres erreurs indignes du policier émérite qu’il était. Dans la montagne qu’il avait repérée en matinée, il improvisa une crémation, avant de mal cacher les restes demi-calcinés. Ailleurs en route, il jeta le sac à main, la couverture, la pelle. A peine 5 heures plus tard, tout était retrouvé, répertorié, consigné au commissariat ! 

Le 21 mars à l’aube, arrêté par ses ex-collèges balbutiants de gêne, Zhao se laissa emmener sans résistance. Sur lui, on trouva même traces de sang, qu’il n’avait daigné laver. À la presse, l’inspecteur commenta l’évidence : c’était un crime d’amour, qui dévoilait un surprenant dilemme. Car pour Zhao, Li Lanping devait bien sûr être punie, mais sans celle qui avait été durant 2 ans sa fontaine de jouvence et de bonheur, la vie n’en valait plus la peine.
Le chef de la police venait de commettre le 1er acte gratuit de sa vie, sans autre moteur que la passion. Et après avoir tué la seule femme qu’il ait jamais aimé, il pouvait à présent tirer sa révérence, renonçant enfin à tout ce qui avait fait sa vie jusqu’alors : la quête du pouvoir, des privilèges et du plaisir.
 
 

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