Monde de l'entreprise : L’essor chinois de Solvay, le chimiste vert

L’essor chinois de Solvay, le chimiste vert

Avec 2600 employés, 17 usines, dont nombre implantées après 2011, et 823 millions d’euros de ventes en 2014, l’essor de Solvay en Chine est assez récent. Comme pour d’autres groupes mondiaux, l’Empire du Milieu, avec sa croissance exponentielle depuis 20 ans, s’impose comme axe incontournable : sur les 9 usines que Solvay projette dans le monde, 5 iront en Asie-Pacifique, dont 3 en Chine.

« Au cours de son histoire, remarque son Président APAC Martin Laudenbach, le groupe Solvay s’est souvent réinventé. Aujourd’hui, nous avons quitté la grosse chimie, la soude ou le PVC, pour se concentrer dans des niches haut de gamme telle la chimie aromatique ». 

De même, le modèle industriel implique une forte dose de recherche et une proximité de la clientèle, c’est-à-dire d’une région industrielle comme le Delta du Yangtzé. Loin de créer ses propres produits (finis), Solvay cherche à identifier avec les groupes chimiques des problèmes autour d’un produit précis, et de développer pour eux des « solutions » dérivées de son innovation et de son savoir d’application. 

Pour des groupes alimentaires tel le coréen Orion, Solvay produit à Zhenjiang de la vanille synthétique, fragrance que l’agriculture ne peut fournir naturellement à suffisance. La valeur ajoutée réside dans sa capacité à recycler le sel utilisé dans le processus. 

Solvay ProduitsL’industrie automobile est aussi grande cliente, avec cet immense marché de plus de 20 millions d’unités par an. 

Pour la batterie, Solvay offre des séparateurs et des électrolytes à haute capacité. Sponsor du projet Solar Impulse 2, l’avion électrique suisse, Solvay a pu renforcer de 43% la charge des 600kg de batteries, dotant ainsi l’appareil d’une capacité de voler nuit et jour sans interruption. 

Pour les pneus, Solvay propose aussi son « goudron blanc », silicate de revêtement qui abaisse la friction au sol, épargnant 7% de la consommation de carburant. 

En pots catalytiques, de son usine de terres rares à Baotou (Mongolie Intérieure), le groupe a conquis 40% du marché pour sa formulation réduisant les fumées de combustion. 

Avec 47 ingénieurs et 140 actifs en Chine, ses quatre laboratoires de R&I (Recherche et Innovation) ne cessent de faire évoluer leurs produits, polymères ou peroxydes par exemple, selon les besoins du client. Les centaines d’autres « solutions » proposées permettent de renforcer le filtrage de l’air, de l’eau, voire du sang (en médecine, dans l’hémodialyse), ou de créer des fibres nouvelles aux qualités spécifiques—résines, plastiques, caoutchoucs, élastomères. 

Solv’air, procédé expérimental, va bientôt équiper les filtres des centrales thermiques. 

NovaCare, enrobage d’urée autour de l’engrais chimique, réduit sa prise au vent et donc la pollution de l’air dans les champs. Il réduit aussi la pollution de l’eau, et les coûts du paysan, en permettant un dosage plus léger. 

Dans une Chine s’éveillant avec le souci impérieux d’enrayer une catastrophe environnementale imminente, un groupe tel Solvay voit s’ouvrir bien des portes : « nos projets de recherche sont de petite dimension, remarque Laudenbach, mais ils sont suivis par les autorités au même titre que des projets à un milliard de $ ». 

Aussi Solvay vient de recevoir à Bruxelles la visite de Han Zheng, le Secrétaire du Parti pour Shanghai –puis, la semaine passée à Shanghai, celle de Philippe, Roi des Belges, accompagné des plus hautes autorités locales. De même, le groupe reçoit régulièrement des distinctions (tel en 2014, un prix chinois « nain-géant »), et multiplie subventions et offres de coopération universitaires.

Qu’en est-il du piratage intellectuel, plaie fréquente en Chine des entreprises à forte recherche, dérobées de leur savoir-faire par des concurrents indélicats ? Pour Laudenbach, le problème n’est pas aigu : la recherche en laboratoire étant permanente, les pirates n’ont jamais le temps d’accéder aux dernières formulations. De plus, Solvay se prémunit assez bien, par exemple en recyclant par lui-même ses déchets, empêchant ainsi quiconque de reproduire ses solutions par rétro-ingénierie. 

Dernière tendance chez Solvay : du fait de sa jeunesse relative en ce pays, il se retrouve avec 15 de ses 17 usines, concentrées en un rayon de 200km autour de Shanghai, ce qui le coupe des autres bassins industriels du pays. Comme première tentative de déploiement, le groupe vient d’ouvrir en 2014 son bureau de Chengdu, pour rayonner sur la Chine de l’intérieur – gageons que ce n’est pas son dernier pas dans ce sens.

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