Petit Peuple : Chifeng – la tentation de Zhao Liping, policier modèle (2ème partie)

Avertissement : Cette histoire se déroule en Mongolie Intérieure, avec pour protagoniste le chef de la police. De ce fait, certains détails n’ont pas été dévoilés dans les media. Aussi, nous invitons nos lecteurs à percevoir ce Petit Peuple d’un œil différent : moins comme le rapport froid de la réalité, que comme une vision compatissante, tournée sur l’être humain et la passion, plus que sur le rang et la fonction. 

Résumé de la partie 1 : Chef de la police du Territoire autonome, Zhao Liping achève en gloire 40 ans de carrière. Mais quel danger le guette, risquant de terrasser ce colosse aux pieds d’argile ?

Le problème de Zhao Liping était Li Lanping, gracile beauté de 27 ans, vendeuse dans une boutique de vêtements à Chifeng, ville de 4 millions d’âmes, à l’Est du territoire.
Elle lui avait été présentée par son commissaire divisionnaire lors d’une de ses missions d’inspection – voyages que Zhao faisait pour coordonner ses policiers entre des chefs-lieux de Wuhai à Xinlin Gol, souvent à des centaines de kilomètres de sa capitale provinciale de Hohhot.
En ces grosses bourgades, il était reçu avec tous les honneurs, avec agapes et festivités. Il y avait aussi son réseau d’amantes, maintenu avec soin par des subordonnés soucieux de leur avancement. 

Rencontrant Lanping à un banquet à l’automne 2013, il avait senti comme un éclair froid lui traverser l’échine, à la vue de sa longue et soyeuse chevelure dans laquelle elle avait glissé un bibi de dentelle, lui donnant un petit air cultivé mais en même temps coquin. Avec ses prunelles de feu, ses lèvres au rouge orangé, sourire espiègle, et sa longue robe noire sculptant sa sveltesse, Lanping sortait du lot. 

Pour Zhao Liping, le repas parut une éternité, n’écoutant que d’une oreille les exploits ou plates plaisanteries des adjoints, ne goûtant les spécialités locales que du bout des lèvres : il restait subjugué par cette mignonne qui faisait mine d’éviter son regard puis le croisait comme par hasard, faisant chaque fois des étincelles.

Deux heures plus tard à la sortie, tandis que les autres s’écartaient diplomatiquement, il suggéra des retrouvailles discrètes à sa résidence officielle. Mais en souriant, elle le planta là, prétextant sa vieille mère qui l’attendait chez elle…
Habitué aux « cocottes minutes », Zhao s’ébahit d’être forcé de filer doux devant cette jolie fleur coupée. A 62 ans, comme un collégien, ce vieux ballot subissait « l’amour coup de gong, au premier regard » (一见钟情 yī jiàn zhōng qíng). 

De retour à Hohhot, il ne lui fallut pas cinq minutes pour obtenir son numéro de portable, et lui envoyer des messages à la chaîne, auxquels elle répondait une fois sur quatre.

Le week-end suivant, le rendez-vous était fixé à Chifeng. Sur le principe, la jeune femme n’avait fait nulle difficulté : on ne se refusait pas à un chef de la police, qui de surcroît promettait de prouver sa gratitude. Lanping le reçut dans son studio, en cachette des voisins. La chambre fleurie l’attendait, avec un souper aux chandelles, et pas de vieille mère aux alentours.

Cette nuit-là, Zhao se surprit de découvrir que l’âge n’avait plus de prise : son cœur, son corps avaient retrouvé leurs 20 ans. A l’aube, Lanping lui avait offert un colifichet antique, cadeau d’un maître de qigong, expliqua-t-elle « pour le jour où elle trouverait l’homme de sa vie ». 

Se retrouvant avec elle chaque week-end, il se mit à échafauder des plans sur la comète. Il ne pouvait pas l’épouser – face au Parti, le divorce n’était pas une option, et sa puissante belle-famille avait les moyens de lui faire payer cher telle avanie. 

Mais il pouvait la protéger, l’établir. En pleine zone piétonne, il lui loua une boutique de mode, obtenue à bon prix grâce à son précieux divisionnaire. La « fashion victime » était aujourd’hui à son compte. Une autre fois, il lui offrit une Hyundai coupé blanche : le permis l’attendait sur l’oreiller, le carnet plastifié noir au nom de Li Lanping, avec sa photo, gentiment emballé en paquet cadeau.
Parfois, il l’invitait en avion, en escapade dans les plus jolis coins du pays, des montagnes de Lijiang, aux plages de sable fin de Sanya. 

Pour elle, il délaissait son foyer familial, sa femme, sa fille et son petit-fils, tout comme son petit empire policier à Hohhot. 

Et c’est ainsi qu’à l’aube de la retraite, Zhao filait le parfait amour. Lanping, elle, prenait ses marques de passion avec détachement. Elle semblait parfois en plein jeu de rôle, tantôt fillette boudeuse, tantôt flamboyante amazone, face à son protecteur mi-Roméo, mi-papa-gâteau. Jamais elle ne demandait rien, mais laissait toujours entendre ce qui lui serait agréable et se faisait servir. 

En somme, c’était un rêve, mais bancal : à travers cette femme qui eût pu être sa fille, cet homme en plein démon de midi cherchait à se raccrocher à une illusoire jeunesse, sans s’intéresser le moins du monde, chez elle, à ses véritables attentes et sentiments…

La suite et fin inévitable, la semaine prochaine !

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