Economie : Le « nouveau normal » et le vent frais

Depuis 6 mois sous son « nouveau normal », l’économie sevrée de crédits, subit une perte de tonus. 

Le 10 juin, la Banque Centrale réduit de 7,1 à 7% son estimation de PIB de 2015. Mais ce bilan prévisionnel est aussi l’objectif minimum fixé, et de ce résultat dépend aussi, à long terme, le succès de l’échéance à 10 ans (2010-2020) de doublement du revenu du citoyen. Autant dire que désormais, l’Etat a le dos au mur : sous peine de perdre sa crédibilité, il ne peut plus admettre la baisse du rythme de croissance.

En mai, Li Keqiang avait déjà adopté plusieurs actions de relance (coupes de taux d’intérêt, de réserves bancaires, 40 milliards de $ de projets d’infrastructures). Mais ces tentatives n’ont pas empêché, en mai, l’investissement fixe de plafonner à +11,4%, en dessous des 12% attendus. De ce fait, la Banque Centrale ne s’attend plus qu’à une croissance de l’export de +2,5% (contre 6,1% en 2014), et de +4,2% à l’importation… 

L’indice du PPI (Producer Price Index) en est à son 38ème mois de baisse et selon l’Office Statistique (9 juin), celui du CPI (Consumer Price Index) cale à 1,2%, loin de l’objectif annuel de 3% : selon toute vraisemblance, cela prélude à un adieu à l’inflation, et une entrée du pays en déflation. 

Pour le Conseil d’Etat, la question est tout sauf académique : il va bientôt devoir fixer l’objectif de PIB du 13ème Plan quinquennal (2016-2020). Financiers, industriels et politiciens seraient tous d’accord avec 6,5 à 7% -mais est-ce réaliste, vue la chute en cours, passant de 9,3% en 2011 à 7,4% en 2014 ? À titre indicatif, la banque ANZ à Shanghai, prédit pour cette période 6% et la CASS, 6% à 6,5%…

Aussi Li Keqiang fait feu de tout bois, inspirant 100 initiatives et tablant sur la bonne réputation de Xi Jinping auprès de la rue (cf graffiti à Chengdu, Sichuan) pour passer la tempête.

La Banque Centrale se jette à l’eau et annonce pour bientôt la libre convertibilité du yuan dans la zone de libre-échange de Shanghai, au bénéfice des firmes sur son sol : deux réseaux « d’information en temps réel » et de « mesures d’urgence » sont là en cas de débordements spéculatifs. 

L’index MSCI, 1700 milliards de $ en fonds boursiers, se dit « intéressé » à intégrer dans son réseau les parts « A » des places de Shanghai et Shenzhen. Mais il exige d’abord la levée (sous quelques mois) des entraves, quotas d’investissement, sur les transferts et sur le statut légal du porteur étranger. Ce lien MSCI peut faire entrer 400 milliards de $ dans l’économie chinoise, en sus des systèmes existants tels le QFII qui ne séduit que marginalement l’investisseur d’Outre-Chine : seuls 50% des 150 milliards de $ du QFII ont été utilisés…

Le 10 juin, le Conseil d’Etat annonce l’extension à la nation d’un mécanisme de micro-crédit à la consommation, pour des projets d’ « équipement ménager », de « santé » ou d’« éducation ». Le même meeting ministériel débloque un allégement du « e-commerce » transfrontalier, pressenti pour dépasser 1000 milliards de $ en 2016. 

Dans la foulée, le Conseil avertit les consortia, ministères et provinces de dépenser leurs budgets. Tous crédits de 2015 vacants d’ici décembre, seront récupérés. 

Le même jour, la NDRC, grand manitou des projets publics, débloque 20 milliards de $ pour 7 chantiers ferroviaires (Hefei-Hangzhou…) ou d’aéroports (Hainan, Heilongjiang). 

Dans l’immobilier, les groupes privés changent leur fusil d’épaule pour pallier la chute des ventes directes : Wanda lance un appel à l’épargne en milliards de yuans, promettant 12% de rendement (6% par location, et 6% par valorisation). Vanke, n°1 national, lance en bourse de Shenzhen le premier fonds REIT en Chine (Real Estate Investment Trust) visant une levée de même ordre de grandeur pour des tours de bureaux, gérées par le fonds Penghua.
Landmark Entertainment annonce la construction du 1er parc virtuel au monde entre Xi’an, Chengdu et Wuhan (site encore non fixé) : LIVE (Landmark Interactive Virtual Experience) qui d’ici 2017, pour 200 millions de $ (d’investisseurs privés et publics) offrira au visiteur 4 heures d’images de synthèse, axées sur l’histoire du pays et les grands mythes mondiaux. 

Uber, de son côté, le groupe américain de transport urbain, dit avoir créé 60.000 emplois en mai, dans les 9 villes où il fonctionne. Avec ses 6 milliards de $ de capital à risque, il rallonge aux chauffeurs privés jusqu’à trois fois le prix de leur course, et attire ainsi des foules de candidats. Il trusterait ainsi 1 million de courses par jour – et ce n’est qu’un début. 

La liste pourrait être plus longue. Un dernier point ranimera peut-être les espoirs de croissance : à Bruxelles, les juristes de la Commission Européenne ont tranché : l’UE n’a pas d’alternative à un octroi à la Chine du statut « d’économie de marché ». Encore informelle, la décision devra être validée par le Parlement et le Conseil des ministres, malgré un lobbying pressant de confédérations, telle Eurofer. Une nouvelle ère indubitable s’en vient dans les relations euro-chinoises.

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