Education : Le Gaokao nouveau est arrivé

Partout à travers la Chine, presque avec les mêmes sujets, le Gaokao, 高考, baccalauréat chinois, se déroulait les 6-7 juin. Le Gaokao, c’est le pic de 9 années d’efforts, où se décide l’avenir du jeune. Pour sa réussite, les parents dépensent sans compter : 38% des foyers versent 500 à 2000¥ par mois en cours particuliers, voire 10.000¥ par mois pour des écoles du soir ou du week-end.. Tandis que d’autres, des millions de ¥ pour un appartement assurant légalement une place dans la meilleure école. 

La pression est intense : à Guilin (Guangxi), les ados bachotent sous des slogans tels : « étudie jusqu’à tes derniers jours, tant que tu ne te tues pas aux études » (只要学不死 就 往死里学).À Hengshui (Hebei), le collège posa des grilles aux étages pour stopper une vague de suicides. À Maotanchang (Anhui), à minuit le 1er juin, des dizaines de parents se pressèrent près d’un arbre-Dieu antique, pour être les premiers à déposer leur bâton d’encens. Résultat (pas si propice qu’ils l’espéraient), malgré les efforts des policiers pour le sauver, l’arbre fut carbonisé.

Depuis 2012, la société ayant franchi le pic démographique, le nombre des jeunes baisse chaque année. La promo 2015 compte 9 millions de candidats, contre 9,39 millions en 2014. Les chances de réussite sont autour de 70%, taux plus élevé dans les grandes villes, et variant selon les provinces. Mais ce qui compte n’est pas tant de l’obtenir mais d’accéder à une des meilleures universités, parmi les 1000 du pays, celle dont le diplôme assure un emploi. Ainsi, les jeunes ruraux, qui représentaient dans les années ’80 la moitié des étudiants de Tsinghua, l’université d’élite, n’étaient plus que 17% en 2014. 

L’autre porte étroite attend les jeunes en fin d’études : sur 7,49 millions de néo-diplômés en juillet, 6,3% déclarent vouloir créer leur emploi – chiffre en hausse, chez des jeunes découragés d’avance par le marathon pour trouver une place. Parmi les 71,2% qui continuent à rechercher un poste, 48,8% même natifs de Pékin ou de Shanghai, veulent bien partir pour les capitales provinciales où les chances sont meilleures. 

Or ces dernières années croît à grande vitesse une solution, permettant d’échapper au stress du système et à sa faible attractivité auprès des employeurs : la fuite à l’étranger.
Dès mai, des centaines de milliers de parents aisés campent aux portes des agences pour retenir une place de « stage vacances études  » au Canada, en Australie, aux Etats-Unis ou en Europe, moyennant 2000 à 8000$ (hors avion). Ils seront 500.000 cet été, contre 350.000 12 mois plus tôt. 

Ces stages préludent aux études hors-frontières. Aux USA en 2014, ils étaient 274.439 (+16%), et 700.000-800.000 dans le monde. Ces études assurent un diplôme pour retourner au pays, ou choisir de s’installer hors frontières – c’est le cas d’1 jeune sur 3 en Europe, 1 sur 2 aux USA. Surtout pour les centaines de milliers qui partent tôt, dès le lycée ou collège. 

Cet exode scolaire, les leaders ne peuvent que l’encadrer, pas l’interdire (ils sont les premiers à y recourir, pour leurs propres enfants). 

Ces dernières années, ils militent pour voir reconnaître le Gaokao à l’étranger comme critère d’admission directe aux universités. La plupart des pays ne disent pas non : 60 universités australiennes enrôlent déjà, moyennant un certain score au Gaokao. D’autres, aux USA et en Europe (dont la France), acceptent un Gaokao assorti d’un entretien préliminaire. Cette ouverture pourrait permettre aux parents visant les Etats-Unis de faire l’économie du test linguistique SAT, et de l’année de préparation (souvent, aux USA-mêmes) qui s’y rattache. Et dans ce dossier pédagogique, se glisse la politique : découvrant au programme du SAT l’étude obligatoire des droits civils, tels qu’inscrits à la Constitution américaine, les cadres les plus sectaires dénoncent le test comme « idéologiquement dangereux » pour leurs chères têtes brunes… 

L’Etat, enfin, se préoccupe « lentement » de réformer son Gaokao pour l’adapter à la demande des jeunes, et du marché. En décembre, une directive aux universités leur impose de pondérer le score du jeune au Gaokao par sa moyenne annuelle, et par d’autres performances en sport, en art, et en « attitude morale ». 

Prévu pour démarrer à la rentrée de septembre à Pékin, un autre projet-pilote va bien plus loin : dans le quartier de Dongcheng (5 millions d’habitants), 100 écoles et lycées interconnectés ouvrent mutuellement leurs cours. Une journée par semaine (20% des études), les jeunes de tous niveaux peuvent choisir leurs options, y compris la musique ou les sciences de la vie. Les résultats notés compteront pour le Gaokao. En cas de succès, le système inspiré d’un modèle britannique, sera élargi au pays.

Ainsi, la Chine se dirige vers un univers pédagogique qui lui est inconnu, incluant contrôle continu, options, avec un accent sur les arts, le sport : le ministère fait preuve de courage (d’absence d’a priori) et le pouvoir au sommet, de lucidité. Il est vrai que c’est une de ses chances d’espérer combler un jour son retard face à l’Occident.

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