Le 1er juin à 21h31, sur le Yangtzé, l’Étoile de l’Est (Dongfengzhixing), chavira à Jianli (Hubei) avec 456 personnes, dont bon nombre de retraités : par tempête, il cherchait la moindre prise au vent, quand une rafale à 120km/h le retourna en deux minutes, sans lui laisser même le temps d’émettre de SOS.
Hélas durant les 3 jours suivants, craignant de causer la mort de centaines de naufragés réfugiés dans des « bulles » d’air derrière la coque, les sauveteurs se montrèrent attentistes, en dépit de puissants moyens (15 navires, 3200 marins et plongeurs)… Ce n’est que le 4 juin au soir que Xi Jinping choqué par l’immobilisme, fit donner l’ordre que les responsables attendaient : éventrer la coque, la redresser à l’aide de grues (cf photo). Mais c’était bien trop tard, après que tout oxygène eût été épuisé, toute vie éteinte : il n’y eut donc que 14 survivants et (au 7 juin) 406 corps retirés. Quant aux familles, elles durent affronter des cadres d’abord trop silencieux puis qui refusèrent , « au nom du règlement » de rendre les corps pour des inhumations privées. Tant d’insensibilité, et de ce qu’il faut bien nommer passivité (même si l’orage se poursuivant, n’aida en rien les opérations), laisse dans l’opinion une trace peu positive.
La nuit du 3 juin, fut celle du souvenir du drame de Tian An Men, 26 ans plus tôt. Depuis, l’Etat, an après an, a su imposer le silence. Les ex-adolescents qui furent témoins de l’époque, ont accepté d’occulter leurs souvenirs, même devant leurs enfants. Seules militent les inoffensives « mères de Tian An Men » ayant perdu leur enfant cette nuit-là. A une exception près : depuis leurs universités des Etats-Unis, un groupe d’étudiants expatriés réclame la fin de l’omerta sur cette page sombre de leur histoire. Puis Global Times, filiale du Quotidien du Peuple, se fend d’un édito pour défendre la répression de l’époque : on ne sait comment interpréter cette curieuse réaction, mais le fait est qu’ici, l’organe officiel, par inconscience ou volonté supérieure, rompt le silence sur le sujet tabou.
Trois projets législatifs et financiers attirent l’attention cette semaine :
– La SAFE, le ministère des Finances et la Banque Centrale veulent ouvrir l’investissement des particuliers vers l’étranger, un pas vers la liberté de circulation du capital. Ceux qui disposent d’un million de yuans, pourront en exporter librement 50%. L’Etat, ainsi, veut renforcer les chances du yuan d’entrer cette année au panier de devises du FMI , des « Droits de Tirage Spéciaux ».
– le Conseil d’Etat admet que son projet PPP de capitaux mixtes publics/privés pour 1043 chantiers nationaux, n’attire pas les foules : les garanties sont trop faibles. Aussi, seuls 10% des projets sont couverts : d’autres mesures incitatives sont en préparation.
– Les 6000 ONG étrangères s’inquiètent du projet de loi en préparation pour les encadrer : dans son état actuel, le texte aboutirait à la fermeture de bon nombre d’entre elles, faute de trouver une administration qui ose assumer leur parrainage. Et les rares ONG qui recevraient l’agrément, se trouveraient muselées et menacées de prison et d’amendes pour leur personnel. Aussi tout l’étranger se mobilise, gouvernements, ONG et Chambres de commerce, pour multiplier les avis tant qu’il est temps, dans la période de consultation légale sur ce projet, et faire pression pour des améliorations : un texte isolant la Chine de ses propres amis, comporterait un risque fort de faire plus de mal que de bien.
Sommaire N° 22 (XX)