Parmi les derniers apparatchiks épinglés pour corruption figurent Song Jianguo (ex-directeur du trafic routier à Pékin, accusé d’avoir vendu pour 3,9 millions de $ de plaques automobiles), Wang Yu (ex-patron de l’homologation des médicaments au Sichuan), Yu Yuanhui (Secrétaire du Parti de Nanning, Guangxi). La chasse aux « tigres » ne faiblit donc pas.
Dans les branches provinciales de la CCID, police du Parti, on explore des techniques anticorruption inédites, basées sur l’appel à coopération des épouses :
– le 13 mai, au Hubei, 70 cadres furent invités en couple à un tour de la prison locale, où ils retrouvèrent leurs infortunés collègues embastillés pour leurs fredaines. Sur place, entre discours vertueux et larmes, une des épouses jura de « superviser » à l’avenir son Chef de Bureau de mari.
– le 22 mai, au Jiangxi, les épouses de 50 cadres, en tenues de l’« armée rouge » des années 30 (cf photo), furent conviées à un séminaire d’initiation aux techniques de réorientation des maris vers le droit chemin…
Cependant depuis son QG pékinois, la CCID s’efforce de recadrer… ses propres troupes ! À ses branches provinciales, elle interdit désormais de se faire justice elles-mêmes, et leur intime de lui référer tout cas repéré, puis d’attendre les consignes. Trop de cadres font arrêter leurs rivaux, sous prétexte de « corruption ». La CCID parle donc d’une « dérive idéologique qui devient un sérieux fléau ». Or, mis à part ces excès de zèle, l’accusation vise aussi des cadres qui de plus en plus nombreux, versent dans la religion, reniant ainsi la vulgate du marxisme, le matérialisme dialectique.
On peut comprendre l’inquiétude : aujourd’hui, le nombre de chrétiens (surtout protestants) dépasse celui des membres du PCC (85 millions). Le malaise culmine au Zhejiang, où des dizaines d’églises sans permis sont rasées depuis septembre, et des centaines de croix arrachées. Un règlement est en cours de discussion, destiné à définir la juste taille des croix sur les sanctuaires. Fait rarissime, l’Association patriotique catholique, organisation proche du Parti, donne de la voix pour protester.
Cependant ces deux mises en garde de la CCID à ses troupes, d’une part, leur lient les mains, et de l’autre, leur ouvre un nouveau front de lutte (contre la religion), avec pour effet d’affaiblir la traque anti-corruption : deux techniques néo-staliniennes, classiques du régime pour sonner le glas d’une campagne en fin de parcours.
L’impression est confirmée par les deux derniers discours du Président Xi Jinping :
– le 19 mai, il ordonnait aux forces de l’ordre, discipline et « loyauté absolue », suggérant que ces corps ne sont pas fiables.
La consigne pourrait aboutir au procès de Zhou Yongkang, après de longs mois de tergiversation, signe de crainte de l’influence restante de ce prince rouge en disgrâce. Ce procès serait la conclusion logique de la campagne anti-corruption.
– le 20 mai, devant le Front Uni, organe de liaison entre Parti et courants de pensées extérieurs, Xi adjure le PCC de jouer démocratie, tolérance, diversité et « rechercher patiemment le dénominateur commun » au nom de la jouvence de la nation.
Bien curieux langage, au ton très nouveau. Que se passe-t-il ?
Serait-ce signe d’inquiétude et d’une autre grande bataille imminente (celle des réformes) où pour gagner, Xi aurait besoin de nouveaux alliés ? Au moins, dans ce contexte, les jours de la campagne anti-corruption sont peut-être comptés.
Sommaire N° 21 (XX)