Du jamais vu en Chine, dans le secteur laitier : après des années de croissance de la production, soudain, les cours s’effondrent, et nul ne veut plus du lait chinois – pas même les éleveurs porcins. Résultat, chaque jour, des tonnes de lait frais sont déversées dans les sillons (cf photo au Hebei).
Face au lait étranger, le lait local ne peut plus faire face, ni en prix, ni en qualité. Fin 2012, le lait était acheté par les laiteries à 5¥ le litre, tarif rémunérateur, attirant les investissements. Mais même ainsi, le consommateur réservait sa confiance au lait importé. En 2014, sur 11 mois, la Chine a donc importé 884.000 tonnes de lait en poudre soit 20% de plus qu’en 2013. Or le cours mondial a chuté, pour cause politique : le ban russe sur tout lait européen, en rétorsion à des sanctions occidentales. Dès lors, cette offre s’est reportée sur la Chine .
Un autre handicap vient alors frapper le lait chinois : les grandes fermes neuves (10.000 têtes ou plus), encouragées par Pékin, ont choisi un modèle de production facile mais extensif, basé sur l’importation d’aliments chers et de compléments locaux à basse valeur nutritive, aboutissant à un lait de qualité moyenne pour un prix élevé. Au kilo, il coûte 3,6¥ à produire, contre 2¥ seulement au rival australien ou néozélandais. Aussi l’export austral n’a eu aucun mal à suivre la chute des cours : de 420.000¥ la tonne de lait en poudre en janvier, à la moitié en décembre 2014. Du coup, les laiteries chinoises refusent les livraisons des producteurs, préférant produire du lait reconstitué de 2,2 à 2,5¥ par litre, tarif imbattable.
Pire encore : depuis 2013, l’accord de libre échange sino-néo-zélandais réduit sensiblement le montant de la taxe d’importation du lait à 5%. Ceci cause la faillite de centaines de fermes petites et moyennes tandis que d’autres abattent leur cheptel pour limiter les frais.
Autre victime : Danone décidément malchanceux, dont la filiale minoritaire Yashili (où le groupe français a investi 550 millions de $ en 2014) annonce une baisse des profits annuels de 40%.
Face à la crise, le ministère de l’Agriculture tente de convaincre les laitiers (Mengniu, Yili) de reprendre les achats aux fermiers et prépare un plan de subventions conservatoires.
Mais la vraie solution (porter le lait chinois au niveau de compétence, et de qualité mondiale) reste lointaine. Pour y parvenir, il faudra des années, voire des décennies.
Sommaire N° 2