Société : Un « permis de SE conduire » à points ?

Qu’est-ce-que le système de crédit social, en cours d’élaboration à travers le territoire national ? 

Le 14 juin 2014, le Conseil d’Etat fixait discrètement le compte à rebours d’un « réseau national de crédit social », attribuant d’ici 2020 une note de valeur morale à toute personne physique ou légale. Fonctionnant comme un « permis à points social », la note se basera sur quatre critères d’évaluation : casier judiciaire, comportement de crédit, sur internet et « politique ». Dès 2017, une base de données centrale sera en place, (co-)alimentée par les citoyens (délation) et publique (consultable par des « ayant-droits » encore non spécifiés). 

La raison de ce projet aux accents orwelliens est donnée par le site web de la CASS : « en quelques décennies, la société est passée d’un réseau de gens se connaissant, à une structure d’inconnus sans liens ». Selon Wang Shuqin, une des auteurs, ceci a précipité une dégradation des mœurs : « Aujourd’hui, 50% des contrats signés sont violés, et avec l’accélération de l’économie digitale, les gens ont besoin de connaître toujours plus vite la fiabilité de leurs partenaires ». « Quasi-prêt », le système permettra au patron d’écarter le candidat douteux, au banquier, l’emprunteur véreux, à l’agence touristique, le grossier personnage. Et avec un tel système, le citoyen sera amené à mieux respecter les « valeurs socialistes fondamentales ». Le but n’est donc pas uniquement politique (tenir en main le dissident pour asseoir le pouvoir du régime), mais aussi de reformater les citoyens à des valeurs civiques, par un contrôle mutuel : ce qui est nettement plus ambitieux et inquiétant. 

Le système peut-il voir le jour, en ce pays dont la jeunesse vit depuis 20 ans en « liberté absolue, hormis en politique » ? Cela semble peu plausible, tant la société, corps tonique, cherchera à saboter le carcan. Autre incertitude : une civilisation peut-elle progresser, sans règles de « société civile » librement consenties ?

Ce qui frappe le plus en cette tentative utopique, est la référence visible à des racines antiques, confucéennes voire taoïste, comme le suggère le manuscrit « yi suan jing » (益算经,« sutra pour allonger le compte-dépôt de la vie », du 13ème siècle). Rendu techniquement réalisable par les nouvelles technologies, ce retour d’une volonté de « policer » la société, est la retrouvaille de deux systèmes de pensée à 2500 ans d’écart, une morale nationale antique et un Etat autoritaire.
Il exprime aussi l’effort un rien désespéré d’éviter la solution toute simple : l’école, les bonnes manières, apprendre dès le plus jeune âge à partager et vivre ensemble…

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