En 2013, une des 1ères actions du Président Xi Jinping fut de créer sa Commission de Sécurité Nationale, chapeautant tous les pans de la vie publique. 24 mois plus tard, ses 1ers fruits apparaissent : trois lois et un règlement.
Le 21 avril, la loi de sécurité nationale passa en seconde lecture devant le Parlement (ANP), avec en filigrane, la « dissémination des valeurs socialistes » et la « prévention de l’infiltration de standards moraux nuisibles », c’est-à-dire « occidentaux ». Il s’agit d’une vieille obsession « révolutionnaire », la recherche de l’âme chinoise et la traque de la démocratie « bourgeoise libérale ».
L’autre volet de la loi est tout aussi instructif : s’estimant vulnérable au hackage, la Chine en pleine création de son infrastructure financière internationale, veut prévenir ces risques par un contrôle strict de tout flux internet provenant de l’étranger. Or, des voix s’inquiètent, telles celles de Penny Pritzker, Secrétaire US du Commerce, et d’Eric Xu, CEO de Huawei, redoutant une protection excessive qui finirait par étouffer la Chine. Mais il faut le noter, avec ces deux volets, cette loi naissante va dans le même sens de contrôle absolu, que deux autres textes imminents sur l’anti-terrorisme
et les ONG
, déjà traités dans Le Vdlc.
En outre, le Conseil d’Etat valide trois zones de libre-échange au Guangdong, à Tianjin et au Fujian (21/04), en sus de celle de Shanghai établie en 2013, et dote ces quatre zones d’un règlement unique. Sans surprise, ce dernier reflète le même souci sécuritaire, face à l’étranger. Chapeautée par le vice 1er Wang Yang, une « conférence » de 30 ministères va orchestrer la surveillance : 122 secteurs sont interdits ou bridés, dont l’édition, la presse, certains métiers financiers, le transport de passagers et de fret. Par rapport aux 139 interdictions jusqu’alors en vigueur à Shanghai, c’est un léger mieux mais on peut légitimement s’interroger sur les chances d’avenir de ces zones « franches » qui méritent si mal leur nom. La zone de Shanghai avait déjà refroidi nombre de sociétés étrangères. Avec ce nouveau règlement, ce sont en fait les monopoles locaux que le régime veut préserver. Ce qui est « normal », pour le professeur Oliver Rui (CEIBS, Shanghai) : « tout le monde fait pareil ».
Au-delà de la préférence nationale, on peut y voir aussi le désir de préparer la dérégulation du yuan. Une fois la libre convertibilité atteinte, ou le yuan intégré au panier de devises du FMI, la Chine ne pourra plus maintenir un RMB bas pour faciliter ses exports. Dépourvu de sa « grande muraille monétaire », il deviendra vulnérable aux attaques de fonds de pension et de banques centrales contre sa monnaie ou ses places boursières, et les corrompus auront plus les coudées franches pour sécuriser leurs fonds hors frontières. Pourtant, la Chine n’a pas le choix, et va devoir assumer bientôt sa part dans le concert financier planétaire.
Par ces 4 textes de loi, le régime exprime la confiance de pouvoir prévenir ces attaques « de demain » par un tour de vis « aujourd’hui », sur tous les acteurs (chinois ou étrangers) susceptibles de s’y livrer. Au risque d’ignorer l’aspect obsolète et local de cette réponse autoritaire, et la possibilité qu’elle reste inopérante sur un défi économique qui est par essence inédit et mondial. Il ne faut pas non plus perdre de vue que « zhi da cai shu » (志大才疏), « l’ambition est grande, mais les moyens serrés » – l’équivalent de notre adage « qui trop embrasse, mal étreint », lequel peut aussi valoir en matière de contrôle social.
Sommaire N° 17 (XX)