En matière de lutte
anti-tabac, Pékin a finalement pris position, peut-être poussé par Peng Liyuan, 1ère dame du pays et ambassadrice anti-tabac.
Dès février, pour éviter tout conflit d’intérêt, le 1er ministre Li Keqiang donnait le ton en sabrant son propre frère Li Keming, au poste de n°2 au monopole national du Tabac, privant ainsi le lobby d’un formidable soutien. Puis fin mars, une campagne débutait dans la capitale, pour imposer au 1er juin le ban sur l’herbe de Nicot dans tout restaurant, bar ou gare (entre autres lieux publics).
Soigneusement préparée, la campagne se donne un maximum de moyens pour briser l’échine à un siècle de tabagie. Elle fait appel à la population non-fumeuse, pour obtenir son soutien actif. Liu Zejun, patron d’un Comité de santé patriotique, explique qu’un compte à rebours est lancé d’ici la date de l’interdiction, pour convaincre les fumeurs de s’abstenir désormais en lieux publics : « selon notre expérience, 99% vont arrêter ». Pour les autres, l’amende sera multipliée par 20, soit 200¥ par fumeur, et 10.000¥ pour le bar ou l’organisation tolérant la cigarette.
Un compte WeChat a été ouvert, où les citoyens peuvent dénoncer les transgresseurs, accompagné d’une photo ou d’une vidéo—une solution à la portée de 557 millions d’utilisateurs de smartphones.
Un poster a été publié (cf photo) donnant le choix entre 3 gestes et 3 mots pour tancer les fumeurs. Mises au vote, c’est l’image de gauche qui s’impose, avec 1 million de voix sur 1,8 million de votes exprimés.
Circulent aussi des vidéos d’acteurs, présentateurs TV, qui soutiennent le ban ou décrivent les méfaits du tabac, tels l’appauvrissement du sperme du gros fumeur.
Le fait que le pouvoir appelle à la bonne volonté civique, est rare, car il risque de réveiller de mauvais souvenirs de la Révolution culturelle.
D’autre part, ce faisant, Pékin reconnait implicitement une voix, un pouvoir à la population. C’est un accroc au dogme officiel, à l’insistance du Parti pour préserver son monopole d’organisation sociale – un pas atypique, de la part d’un régime d’ordinaire plus conservateur.
Enfin, il faudra voir quelle parade le lobby du tabac opposera à la campagne. Déstabilisé, il n’a pas perdu tous alliés, tel le Yunnan, 1er producteur, ou le ministère des Finances qui tirait en 2013 des taxes du tabac, 7 à 10% de l’impôt national, 130 milliards de $. Fameuse bataille en perspective.
Sommaire N° 16 (XX)