Politique : La cavale planétaire des « cadres nus »

Depuis novembre 2012, début de la campagne anti-corruption, les  cadres nus s’enfuient, exfiltrant famille et patrimoine avant de prendre la poudre d’escampette. En réaction, Pékin lance une action d’envergure, priant les pays étrangers de l’aider à récupérer les fugitifs et leurs biens mal acquis. 

En 2014 à travers 69 pays, la campagne « Chasse au renard » fit extrader 290 fugitifs, inspira 390 retours « volontaires », récupéra 490 millions de $. Puis le 15 avril, une version affinée du plan démarre : « Filet du ciel », inspiré du proverbe « le filet du ciel a de larges mailles, mais nul oiseau du mal ne peut lui échapper ».

Le tableau de chasse de 2014 pourrait faire impression. Mais il ne représente en fait qu’une infime partie des montants envolés : Global Financial Integrity, (Washington), évalue la fuite des capitaux de 2002 à 2012 à 1250 milliards de $. Ce sont donc moins de 0,1% qui ont été récupérés. Côté humain, le chiffre est plus présentable : 4% des 18.000 d’hommes en cavale ont été rattrapés.
Ce n’est pourtant pas faute de bonne volonté des pays d’accueil. Discutant (10-11/04) avec le ministre Meng Jianzhu et le chef de la police Guo Shengkun, le Secrétaire d’Etat américain Jeh Johnson promet d’accélérer les rapatriements, « en harmonie avec les lois et valeurs américaines». France, Royaume-Uni, Grèce et d’autres pays échangent aussi avec Pékin dans le même sens. 

A cette coopération, on voit 3 raisons. Ces vieilles démocraties veulent renforcer l’Etat de droit en Chine, et ne veulent pas couvrir des coupables. Elles savent aussi qu’à l’avenir, de bonnes relations seront indispensables. Enfin, les fonds saisis, feront l’objet d’un partage entre les deux pays, ce qui ne laisse aucune administration entièrement indifférente.
Ceci peut expliquer que des policiers chinois aient pu se rendre en privé (presque « en touristes ») en Australie ou au Canada pour « convaincre » des fugitifs de retourner au pays. 

A noter, partout, cette coopération a ses limites strictes : celle des lois locales, de l’existence ou non d’accords réciproques d’extradition, et des Droits de l’homme – du risque de peine de mort, inacceptable pour nombre de pays occidentaux. 

Enfin, quand on pense au faible degré de confiance accordé à la Chine aux lendemains du drame de Tian’anmen en juin 1989, on mesure le chemin parcouru. Cette coopération policière/judiciaire reflète le degré d’interdépendance croissante entre les pays. Une certaine sensibilité démocratique peut en souffrir, mais au fond, c’est pour le bien commun.

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