Editorial : Qingming et Pâques, rencontre d’outre-tombe

Le 1er week-end d’avril 2015 vit la rencontre de deux fêtes : la lumière pure (清明, qingming) et la résurrection (复活节 fuhuojie), c’est-à-dire Pâques. Entre ces célébrations, l’une confucéenne, l’autre chrétienne, le parallèle était aussi dans la thématique : Pâques marque la résurrection du Christ trois jours après sa mise au tombeau, tandis que lors du Qingming, la famille vient nettoyer la dernière demeure des parents. Ces fêtes évoquent donc la mort entremêlée à la vie (c’était aussi, jour de pleine lune, moment du bourgeonnement de floraison des fruitiers), et un des plus vieux fantasmes de l’homme, occidental comme chinois, celui du cycle vital éternel. 

Au cimetière shanghaïen de Songhe, étaient disséminées parmi les foules de sépultures athées (ou plutôt discrètement muets sur leur croyance), nombre de tombes chrétiennes. Des centaines de familles se pressaient pour brosser les stèles. Puis, dans un bac de fer fourni par les employés, ils brûlaient des masses de faux billets de banques ou fausses sapèques d’argent (la « mon-naie de l’enfer »), et allumaient encens et cierges rouges. Certains offraient aussi des repas en barquettes, riz, poissons, fruits, bouquets de fleurs. Or la fleur, sur les tombes d’Asie, n’est pas traditionnelle. Elle répond à la demande des autorités d’épargner l’air en renonçant à cette tradition pyromane sur les lieux des morts, afin de préserver les vivants. 

Détail cocasse tranchant avec cette ambiance austère : à peine les familles s’éloignaient, le personnel venait se saisir des offrandes pour les jeter pêle-mêle dans des tombereaux. Tous ces biens déposés pour les défunts étaient détruits. En effet, sans l’intervention des employés, avec des milliers de visiteurs dès 6h du matin, les travées du sanctuaire se seraient vite muées en dépotoir. Autres lieux, autres mœurs à Wuhan, où enfants et rôdeurs volent ou mangent les fruits, revendent fleurs et bougies ! 

Un détail marquant est l’énorme différence des classes sociales, jusque dans la mort. Les plus riches pavanaient dans des petits mausolées de 3m², à 1,2 million de ¥, richement engravés et dotés d’arbustes rares. Puis les travées se succèdent, aux lots de plus en plus petits, de moins en moins décorés, pour finir aux niches d’un mur du columbarium. Sur la plaque, la famille suspendait un bouquet ou une simple cigarette (allumée). 

Dans les allées, la compagnie funéraire célébrait ses promotions et services par haut-parleurs. Car la mort paie : un cimetière pékinois a fait 230 millions ¥ de profits en 2014, +38%. Les prix des tombes ont triplé en 3 ans. Les 10 millions de morts chinois de 2014, doubleront d’ici 2025 et la terre disparaît pour les accueillir : en 2030, les 34 cimetières de Pékin seront pleins. Alors les concessions, pour 6 ans, ne seront plus renouvelées, ou à prix d’or. Pour rendre hommage aux ancêtres, la solution peut passer par internet avec des plateformes (www.tiantang6.com) permettant d’ajouter photo, musique, offrandes à une stèle virtuelle. Après tout, pourquoi pas ? Entre le virtuel et l’au-delà, il n’y a qu’un pas…

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