Editorial : Pékin, reine des glaces

Pour la 3ème fois dans son histoire, une inspection du Comité Olympique était à Pékin, du 24 au 28 mars. La 1ère était venue en 1993 pour la candidature pékinoise aux JO d’été de 2000 – à une voix, la capitale chinoise avait échoué contre Sydney. La 2nde arrivait en 1999 pour les Jeux de 2008—que la Chine allait obtenir. A présent, l’équipe du CIO dirigée par le russe A. Zhukov, passait en revue les sites de Beijing et de Zhangjiakou (Hebei), en lice pour les Jeux d’hiver de 2022. L’appel à chaque nouveaux JO suscite la convoitise de multiples villes, du fait des retombées commerciales. Mais cette fois, la récession—l’investissement imposé en milliards d’euros—a tari le torrent des candidatures à deux seules : Pékin et Almaty, l’ex-capitale du Kazakhstan.Or entre ces deux villes, la partie n’est pas égale, avec l’infrastructure déjà en place, la puissance d’organisation sans faille de Pékin, 15 fois plus grande que sa rivale d’1,5 million d’âmes. Campagne anti-corruption oblige, son maire Wang Anshun, promet des jeux frugaux, mais le plan de financement s’envole déjà en milliards de dollars pour deux lignes de métro vers les sites excentrés et un TGV vers Zhangjiakou (190km en 50 minutes) et les pistes de ski à 160 km de là (à la frontière de la Mongolie Intérieure). En ville, quatre sites (vestiges des Jeux de 2008) seront réutilisés, dont le fameux « Cube d’eau » du complexe aquatique qui accueillerait divers sports de glace. Un autre atout est le soutien d’une population fière d’accueillir le monde, exhibant sa modernité désormais indiscutée. A Pékin, seuls 9% des habitants sont contre les Jeux, et 0,1% à Zhangjiakou – la cité y voit la chance de rattraper son retard en sept ans d’investissements accélérés. 

A cette candidature, une objection sérieuse est la pollution aérienne de la capitale, avec 84 PM2.5/m3 en 2014 –un air vicié qui tue chaque jour des dizaines de citadins. La mairie veut d’ici 2017 dépenser 4,7 milliards de dollars pour ramener le chiffre à 60 PM2.5/m3. Le plan prévoit la fermeture des dernières usines polluantes (deux fermetures le 20/03), la multiplication des voitures électriques et l’achèvement du chauffage au gaz.
Autre obstacle dressé sur le chemin : les droits de l’Homme, qui figurent sur la charge du CIO et que les défenseurs estiment maltraités en Chine. Ils ont de bons arguments en main, telle la détention depuis le 8 mars, journée mondiale des femmes, de 5 militantes arrêtées pour avoir voulu sensibiliser le public au harcèlement sexiste. Selon S. Richardson, présidente de l’organisation Human Rights Watch, « la société civile endure aujourd’hui un assaut extraordinaire ».
Face à cette ligne d’arguments, le CIO déclarait vouloir consacrer une partie de son inspection à la manière dont la Chine s’apprêtait à traiter la liberté de parole durant d’éventuels Jeux d’hiver pékinois en 2022. Fait notoire ici, Almaty et son Président à vie N. Nazarbayev, ne passe pas plus pour un parangon de vertus démocratiques. 

Les villes rivales seront départagées le 31 juillet à Kuala Lumpur par un vote du CIO. Mais sans attendre, deux groupes immobiliers, Wanda et Vanke créent ou réhabilitent des stations de ski dans le Dongbei, pour des montants défiant toute imagination comme les 6,4 milliards de dollars pour une station au lac Songhua (Vanke).
Pékin note qu’en cas de succès à sa candidature, les sports d’hiver attireront 300 millions skieurs néophytes (contre seulement 10 millions actuellement, 1% de sa population), qu’il faudra équiper, loger, transporter. Une aubaine de flocons blancs qui fait saliver les rouges capitalistes !

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