Débutée mezza voce, la session de l’ ANP s’achève (15/03) contre toute attente sur des situations fortes et nouvelles, concernant les rapports de force au sein de l’appareil et la dette publique.
Trahissant un souci pour sa sécurité, Xi Jinping ordonna le remaniement du Bureau Central de Sécurité, sa garde personnelle, remplaçant la direction de ce corps d’élite qui avait été nommée sous Hu Jintao. Puis fut constatée l’absence en l’hémicycle de Hu Jintao et de Jiang Zemin, prédécesseurs de Xi qui d’ordinaire, n’auraient pas raté tel rendez-vous. L’absence de Hu pouvait se comprendre par un désir de repli suite au scandale de corruption de Ling Jihua. Son ex-bras droit avait été dénoncé comme corrompu le 13/01 par Xi devant la police interne du Parti. Mais l’absence de Jiang reste un mystère : à 88 ans, toujours pièce majeure de l’échiquier politique, il avait encore adressé en janvier un courrier au Bureau Politique.
Autre point, le plus étonnant : à en croire Duowei, site sino-américain, Ling Wancheng cadet de Ling Jinhua, se serait sauvé aux USA depuis des mois, traqué en vain par des dizaines d’espions chinois. Sa défection est estimée par RFI comme « une des plus importantes depuis la Révolution culturelle », vu l’épais dossier sur l’élite de l’appareil (remis par son frère aîné) qu’il apporterait au gouvernement américain.
Sur le plan financier, le ministre Lou Jiwei a dévoilé le plan pour désendetter les provinces. Tentaculaire, leurs dettes feraient 4,8 trillions de dollars (un PIB allemand) selon Société Générale, 4 trillions selon Mizuho, dont 450 milliards remboursables en 2015. Depuis 2011, leurs LGFV – outils financiers plus ou moins légaux – emprunteraient de plus en plus pour le service de leur dette (et non pour de l’investissement), et sur le marché gris à taux prohibitif : 7 à 8%, double de l’officiel. La solution trouvée consiste à forcer les bailleurs de fonds à convertir pour 160 milliards de $ en 2015, en obligations. Ce quota est réparti entre provinces : le Shandong, avec une dette publique de 190 milliards, recevra 8 milliards. Les prêteurs perdront la moitié de leurs intérêts (8 milliards de dollars pour toute la Chine en 2015). Ils obtiendront en échange la garantie sur leur principal. À terme, jusqu’à 30% de ces dettes locales seraient consolidées sous ce statut protégé.
Bien des questions restent dans le flou : qui achètera ces obligations ? Pas l’Etat, c’est sûr, mais il fournira des incitations à l’achat. Qu’adviendra-t-il des énormes dettes non couvertes, tels les investissements de prestige ou les emprunts des corporations, passés de 72% du PIB en 2007, à 125% mi-2014, selon McKinsey ? Décidément, le remède retenu, loin d’être une panacée, semble être juste de nature à gagner du temps. Effet amusant de ce tournant historique : les provinces s’efforcent de gonfler au ministère du Commerce leurs déclarations de dettes (qui seront alors protégées), alors qu’en 2013, elles les minimisaient (pour éviter les sanctions). Enfin, le but revendiqué du plan reste bon pour le pays : fin 2016, s’il est bien mené, les milliers de LGVF auront vécu, relayées par des projets privés-publics—ou en faillite. Et pour l’essentiel, banques et marché gris devraient cesser d’être la « tirelire » de pouvoirs locaux irresponsables qui seront désormais forcés à assumer leur choix d’investissements..
Sommaire N° 10-11 (XX)