Depuis Noël, trois investissements chinois dans l’Hexagone ont fait froncer les sourcils. Le consortium Symbiose (le Shandong High Speed Group, le sino-hongkongais CALC, financé en partie par l’Eximbank, et le Canadien SNC-Lavalin au plan technique) a repris 49,9% de l’aéroport de Toulouse-Blagnac. Fosun a pris le contrôle du Club Med, et l’hôtelier Huazhu (n°13 mondial) s’est associé à Accor (n°4).
L’aéroport de Toulouse-Blagnac et le Club Med ont été âprement disputés. Symbiose a mis le prix (308 millions d’€), notoirement supérieur au marché, pour convaincre une France réticente. CALC d’ailleurs, commandait 100 Airbus A320 livrables d’ici 2022, pour 8,3 milliards de €. A un tel client, comment refuser Blagnac ?
Le Club Med a vu durant 18 mois Fosun et son PDG Guo Guangchang, livrer un bras de fer avec l’italien Bonomi (Global Resorts), gonflant son offre de 45%, à 24,6€ la part, pour emporter une mise fort surévaluée (939 millions d’€).
La complémentarité de ces trois opérations dans les secteurs, naturellement interconnectés du tourisme, de l’hôtellerie et du transport aérien, est si nette qu’on la soupçonne ciblée. Les repreneurs sont privés (Fosun) ou publics (Shandong) – mais en Chine, la frontière entre les deux est floue et Pékin a les moyens de lancer des stratégies hors frontières en s’appuyant sur tous types de firmes. Mais quels en sont les objectifs ?
On devine clairement les intérêts de Pékin pour l’aéroport toulousain, voisin des usines Airbus, son fournisseur et rival de l’avionneur chinois Comac.
Ensuite, la Chine pourrait ainsi vouloir récupérer une part du « gâteau », généré par les vacanciers chinois en France : à l’avenir, ces touristes, de Roissy ou Toulouse, pourraient rejoindre ses villages Club Med et ses hôtels Accor, voire les Louvre Hotels et les villages Pierre et Vacances, où elle détient aussi des participations.
Côté français, les partenaires n’y perdront rien, bien au contraire. Accor possédera 10% de Huazhu (200.000 chambres dans 280 villes de Chine) et surtout accèdera à son réseau de 30 millions de membres de son programme de fidélité. En échange, Accor lui confie la gestion de ses hôtels « économie » et moyenne gamme en Chine (ibis, ibis Styles, Novotel, Mercure…) pour se concentrer sur le haut de gamme (Sofitel, Pullman…). Une alliance conjuguant savoir-faire et marques internationales, à l’expertise locale. Le Club Med lui, augmentera sa part de clients asiatiques dans ses 80 villages sur 5 continents, et ouvrira 7 villages en Chine d’ici 2020, dont certains sous sa nouvelle marque « JoyView », lieux de villégiature proches des grandes villes pour de courts séjours (le premier à Qinhuangdao au Hebei en 2016).
Ce triple investissement dans des domaines parmi les plus prometteurs (la France étant la 1ère destination touristique mondiale), est une tentative de percée qui vise à créer de nouveaux flux en anticipant la demande du Céleste Empire, la couplant avec l’offre et le savoir-faire du Vieux Continent. C’est aussi une chance pour la Chine de démontrer aux Européens l’intérêt mutuel de telle synergie. Reste à attendre pour voir si la colle va prendre.
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