En cette fin d’hiver, la Chine du Nord, avec une superficie grande comme trois fois la France, étouffe sous le smog. Depuis le 10/02, Pékin respire autour de l’indice 400 micro- grammes de particules PM2,5 par m3, bouillon de culture de centaines d’effluents pernicieux. Désormais, l’Organisation mondiale de la Santé, l’ OMS promulgue l’état de crise.
La mairie de Pékin décrète alors l’alerte orange au 21/02, ferme 36 usines et en bride une centaine d’autres.
En 2010, l’étude mondiale « Global burden of disease » concluait à 1,2 million de morts par an en Chine.
D’autres conséquences touchent à la fertilité au nombre accru de cancers. L’an dernier, selon l’OMS, le pays a connu 3,07 millions de nouveaux cas, sans pouvoir toutefois déterminer quel a été le rôle de l’air vicié dans cette progression. Depuis 2010, la situation a empiré, du fait d’une réaction sans doute trop timide de l’Etat, et surtout d’un non-respect des normes par les usines du Hebei ou du Shandong – en janvier, certaines industries ont dépassé jusqu’à 10 fois le plafond réglementaire . De cet enfer atmosphérique, à son paroxysme et de longue durée (moyenne nationale de 29,9 jours en 2013, record depuis 1961), des répercussions économiques commencent à apparaître.
Depuis un an, selon les chiffres, Pékin a perdu de 10% de ses touristes et les expatriés quittent la ville – seulement 13 millions d’entrées en 2013 (-5%). En agriculture, 15 jours d’absence totale de soleil plonge dans la panique les exploitants de serres, décimant les rendements.
Côté « solutions », force est d’admettre que les mesures publiques semblent aussi anémiques que les plantes des serres. Obsédé par la stabilité (héritage de Hu Jintao), l’Etat n’ose pas prendre des mesures radicales face à ce ciel gris ressemblant (selon les scientifiques) à un « hiver nucléaire ».
Ainsi, l’alerte orange du 21/02 est le niveau le plus élevé déployé depuis l’introduction du système en octobre dernier. Mais selon ses critères, l’alerte rouge aurait été plus conforme à la crise, en donnant les moyens de fermer les écoles, des centaines d’usines et 50% du trafic routier.
Comme pour compenser, un écran de propagande fut dressé. Le 25/02,
Xi Jinping se montra dans le centre de Pékin, histoire de « partager le sort du peuple » (Xinhua). 12 équipes d’inspecteurs furent dépêchées dans les villes proches pour assurer une baisse des effluents.Yu Dan, intellectuel officiel, conseilla sur Weibo : « calfeutrez-vous, enclenchez les filtres à air et ne laissez pas le smog pénétrer votre cœur ».
Réponse des internautes : « ce n’est pas le cœur, mais le poumon qui souffre ».
Le comble fut atteint par le contre-amiral Zhang Zhaozhong, qui voit dans cet épais brouillard, la « meilleure défense contre les lasers de l’US Army »…
Le gouvernement, il est vrai, a présenté une mesure plus efficace : celle de fermer des aciéries, -35% de capacité dans le Hebei, d’ici 2020. Des dizaines de petites unités ont déjà fermé autour de Tangshan. Mais en fait, elles font faillite, faute d’obtenir des crédits… Le pouvoir a donc, comme on dit en Chine, « cueilli les fruits, bas sur la branche » (prendre un objectif trop modeste).
Pour résoudre la crise actuelle, il faudra trouver autre chose. D’ailleurs, à la veille de la session de l’ANP, Shijiazhuang, capitale du Hebei, vient de recevoir la plainte de Li Guixin, simple citoyen, contre l’Etat pour négligence, alléguant de la « réalité » des souffrances et des victimes.
La cour n’a pas encore fait savoir si elle l’acceptait mais gageons que l’incident a un avant-goût de l’avenir, risquant de se multiplier les mois prochains.
Sommaire N° 9