En gare de Kunming le samedi 1er mars au soir, un attentat gravissime a eu lieu, dont l’article ci-dessus était prémonitoire : un groupe d’une vingtaine de kamikazes très organisés et déterminés s’est précipité au guichet où des centaines de voyageurs faisaient la file.
Habillés de noir, porteurs de longs couteaux, ils ont frappé en aveugle – mais avec une efficacité de commandos. Au bout de quelques minutes, quand ils se replièrent, 33 cadavres gisaient à terre (dont 5 de leurs propres rangs, exécutés par les balles de la police), et 143 blessés, soignés sur place, souvent à même le sol par les services médicaux d’urgence de la gare.
Les forces publiques incriminent des extrémistes ouighours. Et quelques détails soutiennent l’accusation, tel ce choix de l’arme blanche, souvent utilisée lors d’attentats ouighours, ou cette chemise noire qui dans certains milieux, a valeur sacrée : pour certains, elle conférerait l’immortalité et pour d’autres, une place au paradis. Le style même de l’attaque est celui d’une intifada, guerre sainte dont les combattants sont prêts à sacrifier leur vie. La date enfin est évidemment choisie, à 48h de l’ouverture de la CCPPC, conférence nationale consultative, à Pékin.
Elle a pour but d’obtenir un maximum de battage d’opinion, pour alerter le monde sur la pression exercée (selon les ouighours) sur leur culture et leur exercice religieux. En réalité, le problème est peut être surtout économique. Entre ses hydrocarbures, son charbon et ses énergies renouvelables, le Xinjiang devient une grande région de production d’énergie – mais les ouighours, ses habitants d’origine, n’en retirent pas le profit principal, défavorisés par la langue et l’éducation.
Pour les conséquences, il est trop tôt . Mais dès maintenant, on peut en imaginer deux, toutes deux lourdes. Le territoire pourrait désormais adopter cette loi antiterroriste en quelques semaines plutôt qu’en quelques années. Ilham Tohti (cf article dans ce numéro) peut désormais être accusé moralement de cet attentat, et subir la peine capitale. Et la population chinoise, plutôt indifférente au voisinage des ouighours, pourrait connaître à leur endroit une vague de rejet ethnique xénophobe. Rien de très rassurant pour l’avenir !
Sommaire N° 9