Comme chaque année, 2983 édiles du pays se retrouvent à Pékin au Grand Palais du Peuple pour la session annuelle du Parlement (ANP, le 05/03).
Pour le 1er ministre Li Keqiang ce sera l’heure de son premier bilan et de fixer les priorités de l’année. La première sera probablement l’environnement. L’opinion l’attend, après 15 jours d’épais smog sur le Nord du pays. Dépassée, Pékin n’a pas osé décréter l’alerte rouge ( cf article dans ce numéro)… Les propositions fuseront mais sans solution miracle. Cao Xianghong, académicien, voudrait réserver l’usage du charbon aux groupes ayant les moyens de pratiquer la capture du CO2-technologie inapplicable en masse.
Autre priorité, aisément prédictible : la lutte contre la corruption qui n’a fait que durcir en 2014. Parmi les dernières mesures, figure la réforme de la libération sur parole : une tentative de moraliser un système trop souvent laxiste envers les riches, leur permettant de racheter illégalement une partie de leur peine sous prétexte médical. Pour y remédier, la Commission juridique du Parti introduit un protocole obligatoire à suivre, y compris la mise en ligne de toute remise de peine.
Autre tentative : le paraphe obligatoire par les médecins d’une promesse de n’accepter de bakchich, ni des patients ni des laboratoires. Mais vu leur maigre salaire (moins de 10.000¥), la mesure est surement appelée à rester lettre morte.
Enfin et surtout, dans un discours-cadre du 11/02, Li Keqiang prétend standardiser dans l’année les chantiers, les marchés publics et l’attribution du sol et de sa licence d’usage. De manière remarquable, Li dénonce la source de la corruption dans le pouvoir lui-même et ses pouvoirs de contrôle excessifs.
En même temps, limogeages et arrestations s’accélèrent.
Sont démis Ding Xuefeng, maire de Liuliang (Shanxi), Liu Yingxia (cf photo, édile de la CCPPC – la Conférence Consultative Politique du Peuple chinois qui ouvrira le 03/03), Li Dongsheng (vice-ministre de la Sécurité publique), Ji Wenlin (vice-gouverneur de Hainan).
Sont arrêtés Liang Ke, chef de la police secrète à Pékin, Liu Han –gangster et milliardaire sichuanais, et Shen Dingcheng, ex-secrétaire du Parti à la CNPC, la compagnie nationale pétrolière.
Tous perdent leur poste et/ou leur liberté pour corruption, ET pour leurs liens avec Zhou Yongkang ou son fils.
Le cas de Liang Ke est intéressant : cette oreille des infos politiques au sommet, aurait tenu Zhou informé des progrès de l’enquête sur lui. Or, cette vague de frappes semble préparer le procès de Zhou, ex-protecteur de Bo Xilai, quasi un an après la chute fracassante de ce dernier. Il faut se demander si Zhou aura droit à autant d’égards que l’ex-roi de Chongqing, qui n’avait écopé « que » de la prison à vie…
Pendant ce temps, sur la pointe des pieds, des riches Chinois prennent l’avion par milliers (aucun chiffre n’est disponible), fuyant les mandats d’arrêt, plus que les micro particules µ2,5 !
Autre sujet essentiel : quel chiffre pour la croissance et quelle ouverture économique ?
Les premières banques privées sont imminentes (géant de l’internet Alibaba). Le taux de croissance est soigneusement calculé entre 7 et 8% – mais il serait aisé à l’Etat d’édicter plus, en rouvrant le robinet du crédit. L’idée est de sevrer de crédit les dinosaures publics (machinerie, chantiers navals, armateurs, BTP), et piloter leurs fusions en douceur. Cette « faible » croissance permet de vider, sans l’éclater, une bulle de 12 000 milliards $ de dettes industrielles, en hausse de 260% depuis 5 ans…
Dernier dossier majeur : traiter le cas du Japon, sans craindre de flatter les attentes patriotiques de l’hémicycle. Une question de fond est bien sûr celle des îles Diaoyu/Senkaku, sous contrôle nippon, revendiquées par Pékin. Mais l’intransigeance négationniste du Cabinet de Shinzo Abe joue aussi son rôle, ne manquant aucune occasion d’irriter la Chine et d’autres voisins, sur la gestion du passé militariste du Mikado.
L’ANP risque de voter 2 « fêtes nationalistes », le 3 septembre comme jour de la victoire, et le 13 décembre, comme jour du souvenir des victimes (du massacre) de Nankin – signe que dans ce conflit aussi complexe que dangereux, la Chine n’est pas prête à faire de compromis.
Sommaire N° 9