Xi Jinping n’a sans doute pas envoyé de gaieté de cœur, à
Il se peut qu’un fait nouveau ait précipité la fin de la brouille : le rapport d’une Commission d’enquête de l’ONU sur la Corée du Nord, l’accuse de crimes contre l’humanité et propose de la déférer devant la CPI (Cour Pénale Internationale). Mais la démarche permit à Pékin de récupérer l’écoute du « petit voisin » en lui permettant de réitérer son offre, désormais très séduisante, de protection contre des sanctions onusiennes.
La Chine avait une autre raison de réagir : sa méfiance viscérale envers toute justice supranationale. Elle ne pourra admettre le principe d’une telle instance qu’après avoir accepté sur son propre sol le principe de l’autonomie du pouvoir judiciaire, base de l’Etat de droit. Elle a d’autant plus de raisons de rejeter le rapport de l’ONU, que elle-même y est citée comme ayant « été informée » des rapatriements forcés de réfugiés nord-coréens de Chine vers la Corée, et des tortures qui s’en sont suivies (deux allégations que Pékin réfute vigoureusement). Enfin, à l’aile gauche du Parti, on garde ce lien « organique et fraternel » de vieux révolutionnaires, toujours vif après 63 ans.
Pékin maintient donc la DPRK dans sa sphère d’influence, en suggérant a priori que toute tentative de la porter devant un tribunal des crimes contre l’humanité, fera l’objet d’un veto de sa part. « Une telle mesure, dit-elle, n’aidera à améliorer les droits de l’Homme, ni en Corée, ni ailleurs ! ». Ainsi, en la prenant une fois de plus sous son aile, la Chine « paie d’avance », avant d’entamer toute négociation bilatérale.
Autre raison plus immédiate pour bloquer cette démarche de l’ONU : la Chine se trouve aussi dans le viseur d’une autre cour des Nations Unies, celle du droit de la mer.
Premières en Asie Pacifique à l’oser, les Philippines ont défié le géant chinois en sollicitant l’avis de la Cour d’arbitrage de la Haye. Ce fut suite à l’insupportable prise territoriale par une flottille chinoise en septembre 2013 de l’atoll Scarborough, au large des Philippines. B. Aquino, son bouillant Président, déposa cette plainte et depuis, entre les deux pays, tout dialogue semble rompu.
Ce défi fut certes rendu possi-ble par les Etats-Unis qui promirent leur soutien (militaire) si nécessaire. La question de fond n’est pas de déterminer la nation propriétaire de l’atoll, mais si la « ligne aux 9 traits pointillés » (cf carte), base des prétentions territoriales de la Chine, est légitime ou non. Cette revendication porte sur 90% de mer de Chine, 3,5 millions de km².
Depuis, la marine de l’APL poursuit l’offensive « molle ». Trois de ses navires viennent de débarquer sur un autre atoll, à 80 km des côtes malaises, avant de poursuivre vers l’Océan Indien. Ensemble, ces actions inspirent à la marine américaine cette conclusion du capitaine J. Fannell, de la flotte pacifique (19/02) : « par ces exercices, l’APL se préparerait à une guerre-éclair avec le Japon… dont l’objectif pourrait être la prise des îles Diaoyu/Senkaku, voire celles Ryukyu du Sud ».
Sous cet angle, cette action en justice à l’initiative de Manille, pourrait bien venir de Washington. Certes le verdict, s’il sort un jour, ne sera pas reconnu par Pékin. Mais vu son poids moral, disent les juristes, si d’autres pays tel le Vietnam se joignaient à l’action, selon la Convention du droit de la mer, Pékin pourrait être amenée à réviser sa liste de revendications.
En septembre 2013, Wang Yi, le ministre chinois des Affaires étrangères, de passage à Hanoi, prévenait le Vietnam contre un tel geste. Jusqu’à ce jour, Hanoï a obtempéré, tout en réservant ses droits.
Mais la plainte des Philippines change toute la donne : dès lors, si Pékin veut éviter une multiplication des plaignants, elle devra freiner ses ardeurs maritimes… Affaire à suivre !
Sommaire N° 8