Editorial : La Chine, un « partenaire » qui rêve d’« alliés »

Après deux ans d’avancées militaires agressives pour ses voisins, en mer de Chine comme au Sud du Tibet, la Chine surprend le monde en créant une accalmie. Ce tournant, Xi Jinping le formule lors d’une Conférence Centrale de Diplomatie (28/11) : « nous devons garder à l’esprit les risques et désamorcer les crises potentielles, pour les convertir en chances de croissance pour le pays ». Cet avis, Xue Li (chercheur à la CASS) le commente (02/12) : « il est temps pour nous d’apprendre à cesser de nous méfier des alliances entre nos voisins ». Faute de pouvoir braver une flotte chinoise, supérieure en puissance de feu aux leurs réunies, ces pays n’ont pas d’alternative au fait de « coopérer plutôt que d’affronter ». C’est ce constat qui a permis à Xi de rencontrer au Sommet de l’APEC le 1er ministre nippon Shinzo Abe après 2 ans de rupture et de conclure un accord fort avec Barack Obama. 

Cette conférence a permis de constater une autre importante inflexion. Depuis 1949, la Chine n’a pas dévié d’une idéologie « non-alignée », visant à la faire devenir le phare anti-hégémonique du Tiers-monde. Lors de la conférence, ce principe restait en vigueur, mais il était pour la 1ère fois nuancé par la volonté de Xi de « forger un réseau mondial de partenariats ».
« Alliés » ou « partenaires » ? La différence tient au refus de la Chine de choisir un bloc avec qui collaborer exclusivement. Si elle le faisait, selon Jin Canrong de l’université Renmin à Pékin, cela « léserait le type de relations… qu’elle tente de promouvoir ». Mais tout a un prix. Ouvrir des partenariats avec une poignée de puissances rivales, c’est se forcer à un grand écart idéologique. Pang Zhongying, de la même université, remarque que la Chine « a besoin d’alliés, mais ne peut pas les désigner pour l’instant ». Ainsi, une mine de cuivre chinoise en Afghanistan est protégée par l’US-Army des commandos intégristes, ce que l’APL ne sait pas faire hors frontières. Mais l’US-Army plie bagage, et la protection disparaît. Elle eût pu demeurer, si Chine et Etats-Unis avaient été liés par un traité de défense. Aussi, l’abandon du non alignement chinois semble inéluctable.

En politique étrangère , rien ne change quant aux objectifs à long terme. Ces 12 derniers mois, contre l’avis des voisins et des Etats-Unis, Pékin bunkerise 4 atolls des Spratleys, y compris une piste d’atterrissage de 3000m. Pékin militarise sa flotte de garde-côtes, jusqu’en 2013 composée de différents corps maritimes civils. Le résultat chez les voisins est inévitable : un rapprochement accéléré entre les forces du Vietnam, des Philippines voire du Japon et de l’Inde, sous l’ombrelle des USA. Il semble donc improbable que la Chine puisse mener de front ses deux objectifs de « soft-power » de charme, et de poussée militaire chez ses voisins. À ce jour, elle semble certaine que ces derniers pourront accepter la perte de leur patrimoine maritime, en échange d’invests et de croissance… Mais cette vision des choses pourrait être éloignée de la réalité : l’intégration des pays d’Asie à un espace économique chinois comporte des risques pour leur souveraineté nationale, et c’est ce que viennent d’affirmer les électeurs à Taiwan. 

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