Editorial : Le Serpent se meurt, vive le Cheval !

Le cheval astral est puissant, noble et ami de l’homme – un bon signe donc. Hélas dans le zodiac chinois, ces vertus sont en partie éclipsées par son élément, le bois, qui brûle et se consume. Il en dérive donc d’autres qualités moins désirables : il est irritable, voire même, pas franc du collier. On lui prête l’intention d’offenser cette année (par la position des planètes, en cosmogonie locale) le dieu « Taisui » de la fortune. Comme si le signe qui le précède, le serpent, l’avait vicieusement mordu, au moment de lui céder sa place. Autant dire que 2014 s’annonce comme une année à prendre avec des pincettes ! 

<p>Et de fait ce chunjie, festival du Printemps, s’annonce difficile. Au sud, des milliers d’usines ferment prématurément, faute de commandes à l’export. On sait déjà qu’une partie ne rouvrira pas…

Autre misère, la pollution fait rage, dépassant souvent les 300 microparticules. Aussi les grandes villes s’apprêtent à bannir les pétards, au grand dam des habitants : un chunjie sans pétards pour écarter les démons, ce n’est pas un vrai chunjie, tout le monde sait ça !

Puis il y a la campagne de retour à la frugalité… Au fil des décennies, on a vu défiler ces slogans, sursauts de vertu sans lendemain. Mais cette fois, ce n’est pas pareil. Jamais depuis Mao, la campagne n’a connu une telle sévérité. D’ordinaire, en janvier, les patrons abreuvent et choient le personnel. Mais les limiers sont partout, à éplucher les comptes et écouter les délations : personne n’ose plus inviter ailleurs qu’à la cantine. Les banquets sont expurgés de plats rares et « Maotai », les étrennes sont maigrelettes et le 1er prix de la tombola n’est plus un iPad mais un tube de dentifrice… Les plus malins offrent un catalogue Taobao, sur lequel on commande « sans frais », ses cigarettes ou une bonne bouteille. Rien de mal à recevoir un catalogue, n’est-ce pas ?

Retourner au village est un toujours un cauchemar. Les Chinois achèteront 3,6 milliards de billets (258 millions de billets de train, 42 millions de billets d’avion, bus…) durant les fêtes – histoire de rapporter les cadeaux et de déguster à minuit, en famille, le banquet de bonne augure (carpe vapeur, raviolis, pomme et mandarine). 

Pour y parvenir, il aura fallu affronter la guerre des billets : sur internet, les hackers ont trouvé le moyen de flouer le système. L’un d’entre eux se vante d’avoir acheté 1245 billets en 10 minutes, pour les revendre à prix d’or. A cause de bandits comme lui (que les Chinois appellent « vaches jaunes », car l’espèce est inapte au travail), Mme Wang et sa fille, de Shenzhen, voulant retourner à Shenyang (2900km plus au Nord) ont dû acheter 6 billets et se résoudre à voyager 12 jours, pour le double du prix…

Serrés par la crise, 57% des Chinois craignent n’avoir pas assez d’argent pour faire face aux dépenses – souvent jusqu’à 6 mois de salaire. Parmi ceux qui renoncent au voyage, 25% citent leur budget comme raison principale. D’autres préfèrent rester par peur de voir les parents les forcer à un mariage express. À Shenzhen d’ailleurs, une brave mère désespérée vient de louer à prix d’or, la « Une » d’un journal de Melbourne, pour supplier son fiston de rentrer, promettant alors de renoncer à toute pression pour lui faire mettre la bague au doigt ! 

Une fraction de Chinois auront choisi de partir à l’étranger, souvent en famille : environ 32 millions cette année. Misant sur les festivités du 50ème anniversaire des relations bilatérales et sur le visa dont elle vient de réduire le temps de formalité à 48h, la France en espère quelques centaines de milliers. Les destinations les plus populaires, pour la classe moyenne, restent Thaïlande, Hong Kong, Macao et Taiwan. Et pour les plus riches, Taiwan se classe n°3, les Etats-Unis n°2, et de manière très inattendue, le Japon n°1. Le pays du Soleil Levant offre un service de très bonne qualité, et le jeu des monnaies leur offre une ristourne de 25% par rapport à 2012. 

Enfin, comme à chaque chunjie, le Parti et l’Etat multiplient les promesses : faire plus d’efforts pour purifier l’air, la nourriture, et nettoyer un peu la TV du fléau de la publicité. Ils assurent aussi qu’ils respecteront la « créativité des paysans ». Cette formule sibylline signifie qu’ils envisagent de leur remettre en partie le droit de vendre leurs terres, brisant ainsi le dogme de la propriété publique.

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