Le Vent de la Chine Numéro 4-5
Le
cheval astral est puissant, noble et ami de l’homme – un bon signe donc. Hélas dans le zodiac chinois, ces vertus sont en partie éclipsées par son élément, le bois, qui brûle et se consume. Il en dérive donc d’autres qualités moins désirables : il est irritable, voire même, pas franc du collier. On lui prête l’intention d’offenser cette année (par la position des planètes, en cosmogonie locale) le dieu « Taisui » de la fortune. Comme si le signe qui le précède, le serpent, l’avait vicieusement mordu, au moment de lui céder sa place. Autant dire que 2014 s’annonce comme une année à prendre avec des pincettes ! <p>Et de fait ce chunjie, festival du Printemps, s’annonce difficile. Au sud, des milliers d’usines ferment prématurément, faute de commandes à l’export. On sait déjà qu’une partie ne rouvrira pas…Autre misère, la pollution fait rage, dépassant souvent les 300 microparticules. Aussi les grandes villes s’apprêtent à bannir les pétards, au grand dam des habitants : un chunjie sans pétards pour écarter les démons, ce n’est pas un vrai chunjie, tout le monde sait ça !
Puis il y a la campagne de retour à la frugalité… Au fil des décennies, on a vu défiler ces slogans, sursauts de vertu sans lendemain. Mais cette fois, ce n’est pas pareil. Jamais depuis Mao, la campagne n’a connu une telle sévérité. D’ordinaire, en janvier, les patrons abreuvent et choient le personnel. Mais les limiers sont partout, à éplucher les comptes et écouter les délations : personne n’ose plus inviter ailleurs qu’à la cantine. Les banquets sont expurgés de plats rares et « Maotai », les étrennes sont maigrelettes et le 1er prix de la tombola n’est plus un iPad mais un tube de dentifrice… Les plus malins offrent un catalogue Taobao, sur lequel on commande « sans frais », ses cigarettes ou une bonne bouteille. Rien de mal à recevoir un catalogue, n’est-ce pas ?
Retourner au village est un toujours un cauchemar. Les Chinois achèteront 3,6 milliards de billets (258 millions de billets de train, 42 millions de billets d’avion, bus…) durant les fêtes – histoire de rapporter les cadeaux et de déguster à minuit, en famille, le banquet de bonne augure (carpe vapeur, raviolis, pomme et mandarine).
Pour y parvenir, il aura fallu affronter la guerre des billets : sur internet, les hackers ont trouvé le moyen de flouer le système. L’un d’entre eux se vante d’avoir acheté 1245 billets en 10 minutes, pour les revendre à prix d’or. A cause de bandits comme lui (que les Chinois appellent « vaches jaunes », car l’espèce est inapte au travail), Mme Wang et sa fille, de Shenzhen, voulant retourner à Shenyang (2900km plus au Nord) ont dû acheter 6 billets et se résoudre à voyager 12 jours, pour le double du prix…
Serrés par la crise, 57% des Chinois craignent n’avoir pas assez d’argent pour faire face aux dépenses – souvent jusqu’à 6 mois de salaire. Parmi ceux qui renoncent au voyage, 25% citent leur budget comme raison principale. D’autres préfèrent rester par peur de voir les parents les forcer à un mariage express. À Shenzhen d’ailleurs, une brave mère désespérée vient de louer à prix d’or, la « Une » d’un journal de Melbourne, pour supplier son fiston de rentrer, promettant alors de renoncer à toute pression pour lui faire mettre la bague au doigt !
Une fraction de Chinois auront choisi de partir à l’étranger, souvent en famille : environ 32 millions cette année. Misant sur les festivités du 50ème anniversaire des relations bilatérales et sur le visa dont elle vient de réduire le temps de formalité à 48h, la France en espère quelques centaines de milliers. Les destinations les plus populaires, pour la classe moyenne, restent Thaïlande, Hong Kong, Macao et Taiwan. Et pour les plus riches, Taiwan se classe n°3, les Etats-Unis n°2, et de manière très inattendue, le Japon n°1. Le pays du Soleil Levant offre un service de très bonne qualité, et le jeu des monnaies leur offre une ristourne de 25% par rapport à 2012.
Enfin, comme à chaque chunjie, le Parti et l’Etat multiplient les promesses : faire plus d’efforts pour purifier l’air, la nourriture, et nettoyer un peu la TV du fléau de la publicité. Ils assurent aussi qu’ils respecteront la « créativité des paysans ». Cette formule sibylline signifie qu’ils envisagent de leur remettre en partie le droit de vendre leurs terres, brisant ainsi le dogme de la propriété publique.
Samedi soir à Melbourne (25 janvier), Li Na remporta son deuxième tournoi du Grand Chelem (après Roland Garros en 2011), contre la Slovaque Dominika Cibulkova (n°24) en deux sets – 7/3 – 6/0.
A 31 ans, elle devient la joueuse la plus âgée à avoir remporté l’Open d’Australie et retrouve ainsi la troisième place mondiale.
Gagner au pays des kangourous tenait du sentimental pour Li Na, la championne ayant raté sa chance en 2013 et 2011.
Elle marqua particulièrement les esprits grâce à son discours, reposté plus de 370 000 sur Weibo, remerciant avec beaucoup d’humour son entraineur Carlos Rodriguez, son agent (« qui l’a rendue riche, merci beaucoup ! ») et son mari, Jiang Shan (« qui a beaucoup de chance de l’avoir »)… Sa personnalité espiègle est très appréciée par le public chinois et cette victoire ne fera que renforcer sa popularité ainsi que celle du tennis en Chine, en général !
Quelques jours après sa victoire, à peine de retour dans son Hubei natal (Wuhan) pour fêter le Nouvel An Chinois avec sa mère, Li Na fut accueillie par le Secrétaire de la province, Li Hongzhong, lui remettant un chèque de 800,000 yuans. La photo de la remise vu le tour des Weibos – l’absence de sourire de la tenniswoman n’ayant échappté à personne.
Rappelons que Li Na est déjà l’ambassadrice de Rolex (et de nombreuses autres marques), et que depuis sa victoire en 2011, elle signa pour 42 millions de $ de contrats au bas mot. La championne n’a donc sûrement pas besoin de cette somme !
En économie, l’ année du Cheval va rapidement voir l’Etat être obligé de se confronter sans retard à l’avalanche de dettes des provinces.
Dès le lendemain du chunjie (31/01), le titre China Credit Trust (CCT), mature après 3 ans de circulation (intérêt de 10%), ne pourra plus être remboursé et l’ICBC, qui l’a vendu à l’époque, n’envisage pas d’en assumer la responsabilité. Le bon CCT avait servi à refinancer la dette de Zhenfu. Aujourd’hui en faillite, ce groupe minier du Shanxi accuse 5,9 milliards ¥ de dettes pour 500 millions ¥ d’actifs (moins du 10ème). On prête à l’Etat l’intention de laisser faillir le titre CCT, pour inculquer la prudence aux spéculateurs. Et si la rumeur court, c’est avec la bénédiction publique.
Autre mesure « anti-dettes »: Pékin veut précariser les faillis frauduleux. La Cour Suprême crée une liste noire, et les interdits d’avion, de train 1ère classe, de cartes de crédit. Et la Banque Centrale annonce qu’elle fermera les groupes publics « incompétents ».
Xi Jinping mène depuis son début de mandat une double campagne contre corrompus et dissidents.
Elle va se durcir en 2014, au risque de mettre fin à l’« état de grâce ». Résolument optimiste, l’économiste M. Pettis voit dans ces campagnes l’outil du grand plan de Xi, dit « Rêve de Chine ».
En étouffant critiques et lobbies, Xi veut accélérer la dérégulation du crédit et des taux d’intérêts, l’innovation, la réforme du droit foncier, voire la redistribution d’actifs publics aux ménages. L’idée est de réduire la croissance à 3-4% (contre 7,7% en 2013) en compensant par une hausse de productivité, de supprimer les transferts cachés offerts aux riches et aux consortia publics, par l’accès au crédit, le droit à polluer, l’entente sur les prix et le taux d’intérêt trop bas.
S’il réussit, les PME vivraient un âge d’or d’accès au crédit, et les consortia devraient devenir compétitifs, y compris face aux groupes étrangers dont la concurrence se renforcerait dans les services. En tout cas, le temps des taux de croissance à 10%, voire 7%, aura vécu.
Quid de l’immobilier ? En 2013 encore, l’effort de l’Etat pour calmer le marché n’a pas suffi, face aux pressions des provin-ces pour maintenir les ventes, source de revenus. Elles atteignait 1340 milliards de $ en 2013, soit +26% et les prix grimpaient de 9,2% (20% à Shenzhen). Selon les experts, la demande et les revenus en hausse, devraient maintenir une croissance « modérée ».
Concernant les zones de libre échange, un des nouveaux outils de croissance, Pékin vient d’en autoriser 12 nouvelles (dont Canton et Tianjin).
La zone de Shanghai recevra la libre convertibilité du RMB dans ses banques (par la technique du « sweep », directe et sans paperasserie). Citibank le propose déjà à son client Roche (laboratoire helvétique), et HSBC à son client Dover.
On verra aussi de nouvelles zones d’urbanisation , surtout dans le Centre-Ouest, par noyaux autonomes (« clusters »), témoins d’un effort de création de modèles de villes du futur.
En environnement enfin, va s’accélérer la mise en place des quotas d’émissions de CO2, et de centrales d’énergies renouvelables.
Le gouvernement semble vouloir être prêt d’ici 2015, à rejoindre le système mondial de lutte contre le dérèglement climatique lors du COP 19 à Paris. Le temps du refus de l’action internationale est compté, et Pékin le sait.
Le chagrin caché des Chinois, c’est le football. Dans les années ‘90, la ferveur était là, les soirs de matchs où par milliers, les fans convergeaient vers les stades aux couleurs de leur club, sous le regard débonnaire de la police.
Mais la pieuvre de la triche s’est installée, entre Triades avides de truquer les résultats, édiles locaux avides d’acheter les victoires, et tous ensemble, clubs inclus, de gagner sur les paris truqués. Du coup, la Chine a cessé d’y croire. Les 1000 écoles de foot de 1995, ne sont plus que 20 et Pirelli, sponsor de la Ligue, s’est retiré en 2012. Même la CCTV soucieuse de sa réputation, ne diffuse plus les matchs.
Pour inverser la vapeur, la CFA, l’organe de tutelle, vient de remplacer son président Yuan Weimin (75 ans, qui s’accrochait au poste depuis 22 ans) par Cai Zhenhua (cf photo, avec David Beckham), 53 ans, roi du ping-pong, 4 fois champion du monde, auréolé de son travail d’administrateur. En 20 ans, il a porté son sport national au 1er rang mondial. Cai veut suivre la méthode japonaise, où l’équipe féminine de foot est devenue championne du monde : recruter dans les écoles (500.000 licenciés visés d’ici 2017), puis accompagner les jeunes, jusqu’en division professionnelle.
C’est hélas bien tard. Comme la Chine ne croit plus aux matchs dans ses stades, mais continue à parier, la pègre sino-hongkongaise soudoie désormais les joueurs en Italie, en Angleterre…et partout sur Terre !
Sous l’angle de la construction navale militaire, 2013 restera dans les annales une année exceptionnelle, et 2014 suit la même lancée. Dès maintenant, la marine chinoise (APL ou autres forces) dispose de 27 patrouilleurs d’au moins 1000 tonnes (TJB), et 36 autres bâtiments de même classe sont en construction.
Et ce n’est pas fini : le 21/01, la CSSC (Shanghai), 2ème entreprise de construction navale du pays, annonce avoir reçu un contrat pour 34 millions d’€uros, pour construire une corvette de 4000 tonnes et un autre navire de surveillance qui sera le plus grand du monde, à 10.000 tonnes (TJB). Son principal mérite semble être de dépasser en capacité le garde-côtes nippon Shikishima, n°1 mondial actuel avec 7175 tonnes. L’Institut de Recherche 704 aurait effectué depuis un an les recherches et simulations préliminaires, nécessaires à la construction de ce Léviathan.
En 2013, selon Xinhua, la marine chinoise a effectué 50 missions, soit une par semaine, aux îles Diaoyu/Senkaku. La multiplication de ses forces, laisse présager que de telles missions pourraient doubler d’ici quelques d’années.
Cela dit, les eaux sous contrôle nippon ne sont pas les seules à intéresser l’APL. Celle-ci va fixer un de ses grands garde-côtes (5000TJB) à Xishan, sa nouvelle « ville » dans les Spratley. Ceci pour mieux rayonner en mer de Chine du Sud. L’an dernier, de source officielle, elle a effectué des opéra-tions de routine sur 18 îlots et atolls sous contrôle actuel des Philippines et du Vietnam. De quoi alimenter cette année encore entre pays voisins, tensions, jeux d’état-major et réarmement accéléré.
La série de procès, du 22 au 24 janvier, entre Pékin et Canton, frappe les dissidents. Il s’agit de décapiter le mouvement de Xu Zhiyong, « Nouveaux citoyens », et de ses sympathisants Zhao Changqing, Ding Jiaxi, Li Wei, Zhang Baocheng, Yuan Dong et Hou Xin, tous poursuivis la semaine passée. Xu Zhiyong écopa de 4 ans de prison tandis que son avocat, sous le coup de la colère, fut également arrêté.
La censure aussi met les bouchées doubles : après l’arrestation de douzaines de jeunes bloggeurs, sur la base d’un nouveau règlement anti-rumeurs sur internet, Ren Xianliang, vice-ministre, peut se targuer d’avoir « éradiqué le phénomène » : à 281 millions de micro-bloggeurs, la toile chinoise en compte 28 millions de moins qu’il y a un an.
Mais tout a un prix : Cui Jian, le célèbre rocker chinois, qui devait se produire au gala CCTV du Chunjie, après 20 ans de retraite dans l’ombre, y a renoncé, suite à la censure de son tube « Rien à mon nom ». Dommage !
La frappe se poursuit contre les corrompus : des clubs privés ferment à Hangzhou, Ding Xuefeng, maire de Luliang (Shanxi) est détenu, l’accusation s’alourdit contre le Général Gu Junshan, après une perquisition accablante à son domicile, tandis qu’un cadre du Jiangxi est condamné à mort pour avoir accepté 1 million de $ de pots-de-vin.
Pour 2013, la police publie son « tableau de chasse » : 60.000 contrefacteurs, et pour 21 milliards d’€ de faux produits saisis.
Enfin, l’action se renforce contre le « terrorisme ». Ainsi, ce travailleur mécontent de son patron, qui avait empoisonné des jiaozi (raviolis), en partie exportés au Japon, s’est vu condamné à perpétuité.
A côté de cela, après deux ans d’enquête, un groupe de journalistes anglo-saxons d’ICIJ, publie un rapport très sensible sur les fortunes de riches Chinois, exportant leurs fortunes aux Iles Vierges Britanniques.
Il en ressort que parmi 21.000 d’entre eux, on trouve les proches des plus hauts dirigeants.
Un tel rapport donne une autre perspective à la campagne anti-corruption. Il ne plaira pas à tous au sein du pouvoir…
Sur le fleuve
Congo, second du monde par le débit, le barrage d’ Inga a longtemps été l’orgueil de l’Afrique, un des plus grands du monde, d’une capacité de 2,3GW, cofinancé par l’UE et la Banque Mondiale. Or, Kinshasa décide de lancer le Grand Inga, suite de 11 barrages pour 40GW (soit 40 réacteurs nucléaires français). A commencer par Inga 3 qui coûtera 12 milliards $ pour 5GW, dont plus de 50% déjà commandés par l’Afrique du Sud. <p>Le vainqueur de l’appel d’offres doit être désigné après l’été. Trois consortia sont sur les rangs de ce projet en concession (financement et exploitation à charge du bâtisseur) : un groupement chinois (Trois Gorges/Sinohydro), un coréen-canadien (Daewoo-Posco/SNC-Lavalin) et un espagnol (ACS/Eurofinsa).Le chinois a toutes chances de l’emporter, avec ses capacités de financement via l’Etat chinois (Exim Bank) et son expérience acquise sur le barrage des Trois Gorges, actuel record du monde avec 26GW (qui passera donc n°2, derrière le Grand Inga).
Mais c’est là que pourrait intervenir un troisième larron, les Etats-Unis. USAID, l’agence fédérale de développement, est intéressée à s’associer avec les Chinois sur ce projet, pour y apporter ses ingénieurs et sa garantie—et ne pas laisser ce monopole très politique à la Chine. Rajiv Shah, administrateur de l’USAID, visitait en décembre le site d’Inga 3.
Obama, lui, promettait à l’Afrique 7 milliards de $ d’aides en infrastructures d’énergie. Ce sera sous réserve qu’il parvienne à dépasser la vive hostilité du Congrès, pour cause écologique : les grands barrages polluent…
Plus un jour ne se passe, sans que la Chine ne réalise un gros achat d’actifs à travers le monde. En Amérique Latine, des mines de fer, des gisements de pétrole ; en Afrique, des hydrocarbures, du fer, du bois…
Avec plusieurs Etats, des contrats publics en milliards de dollars offrent une palette complète de transferts : agronomie, infrastructures (lignes de chemins de fer, routes, ports en eau profonde), santé publique et éducation, en échange de livraisons à long terme de pétrole ou de minerai. Pékin finance sur ses caisses et expatrie ainsi des dizaines de milliers de travailleurs. Il en tire un immense bénéfice en s’assurant des filières stratégiques sur une planète où les matières premières se raréfient. Il gagne aussi en terme d’image de « géant allié bienveillant » : ses transferts concernent des technologies simples et « low-cost », adaptées à ces pays encore en voie de développement.
De plus en plus, cette expansion atteint l’Europe même. On vient d’assister au rachat par Fosun , pour 1 milliard d’euros, de 80% du n°1 lusitanien des assurances, pesant 30% du marché local. En Angleterre, à Londres, c’est Canary Wharf, ancien quartier industriel que Greenland, groupe chinois de génie civil, veut convertir en surface de bureaux pour 1,5 milliard d’euros. En France, on voit déjà ces châteaux du Bordelais rachetés en nombre. Surtout, Dongfeng s‘apprête d’ici février à recapitaliser PSA à concurrence de 15% du capital (et autant pour le gouvernement français), moyennant l’invest paritaire de 3 milliards d’euros.
Dans cette nouvelle tendance, on peut remarquer que les acquéreurs chinois sont de plus en plus des sociétés privées. Ces groupes font leurs achats à travers le monde entier, Europe comprise, parce que c’est rentable, et parce qu’ils en ont les moyens. L’an dernier, les réserves chinoises en devises dépassaient les 3000 milliards d’euros, soit 400 milliards de plus qu’en 2012.
Bien sûr, dans certains cas comme dans l’équipement téléphonique ou les produits photovoltaïques, on voit Pékin subventionner lourdement ses groupes nouvellement créés, qui conquièrent progressivement les marchés des pays créateurs de ces technologies.
Face à cette razzia, l’UE apparait bien en difficulté pour s’entendre et les défendre. Mais (cf interview de M. Ederer) avec le partenaire chinois, elle parvient à trouver des mécanismes permettant un degré de protection, tout en évitant la guerre commerciale.
En tout état de cause, l’Europe est aujourd’hui demandeuse de ces fonds. C’est dans cette perspective que s’ouvrent (21-23/01) les négociations pour un Traité de protection des investissements, qui vise à attirer l’argent frais chinois en Europe, tout en dégageant les obstacles en Chine aux rachats par des Européens.
Enfin, l’argent n’est pas le seul avantage : il y a aussi le management. Il est loin le temps où les firmes chinoises échouaient à gérer leurs actifs étrangers, faute de savoir leur offrir un management compatible à leur culture. Depuis son rachat à l’Etat grec par la COSCO en 2009, la moitié du port du Pirée (cf photo) marche si bien sous pavillon chinois que la Chine bâtit un nouveau terminal, pour 230 millions d’€uros, créant 400 emplois. La majorité du port appartient donc au « privé », un privé qui est une compagnie d’Etat chinoise – un comble !
L’agenda culturel de l’année
En l’honneur du 50ème anniversaire, plus de 400 événements seront organisés cette année dans l’Hexagone et l’empire du Milieu.
•Après avoir remporté un franc succès à Paris, l’exposition ChiFra posera ses valises au Namoc de Pékin : 29 artistes contemporains chinois, 17 français, plus de 100 peintures et sculptures (du 21 janvier au 16 février). L’exposition voyagera à Shenzhen, Chongqing et d’autres villes…
•C’est le pianiste Lang Lang qui ouvrira véritablement le bal, le 27 janvier avec la « Nuit de Chine » au Grand Palais à Paris.
Le même jour à Pékin, sera inauguré au Musée National une exposition de 800m2 présentée par la Fondation Charles de Gaulle, suivie d’une représentation de l’Orchestre Symphonique de la Garde Républicaine à l’auditorium.
Même programme le 28 janvier à Shanghai, complété par un spectacle de Jacques Weber sur les raisons qui ont conduit le Général De Gaulle à reconnaître la Chine.
•Pour le gala du réveillon du Nouvel an chinois (30 janvier), cette année c’est Sophie Marceau qui a été choisie par la CCTV (Céline Dion en 2013), pour interpréter en duo avec le célèbre chanteur de mandopop Liu Huan, « la vie en rose » d’Edith Piaf (l ’actrice née sous le signe du Cheval, est aussi l’ambassadrice de charme de la Citroën DS5 en Chine).
•Le 19 mars aura lieu un concours de mathématiques, bien nommé « Compter pour l’autre », dans 25 établissements français et 25 lycées chinois, pour les classes de seconde.
•Le 8 avril verra le lancement de la 9ème édition du 1er Festival étranger en Chine, « Croisements ». De nombreux chefs-d’œuvre français (le célèbre Penseur de Rodin, le bal du Moulin de la Galette de Renoir, Monet, pour ne citer qu’eux…) seront prêtés par Versailles, les musées du Louvre et d’Orsay, et s’installeront à Pékin, le temps du festival.
•Fin mai 2014, une « fête des lumières« , en association avec la ville de Lyon, sera organisée au pied des remparts de la ville de Xi’an, avec spectacles et projections.
•Par ailleurs, deux timbres (cf photos) célébrant cet anniversaire vont êtres mis en circulation par les postes françaises et chinoises.
Leur illustration a été confiée à Yves Beaujard (créateur du timbre d’usage courant, Marianne & l’Europe—2008) sur le thème des fleuves : l’un représente la rivière Qinghuai à Nankin (1,5 millions d’exemplaires par timbre en France), l’autre, la Seine (10 millions en Chine).
•Coté entreprises, à Chengdu en octobre, sera organisée la Foire Internationale de l’Ouest, avecla France en invitée d’honneur—plus de 1000 entreprises sont attendues. Tandis qu’à Shanghai à l’automne également, l’Institut Pasteur mettra l’accent sur la recherche médicale lors de divers événements
•En fin d’année, la compagnie nantaise « les Machines de l’Ile » devrait faire défiler dans les rues de la capitale, son Centaure animé – une machine articulée de plus de 10 mètres de haut.
Historique des relations franco-chinoises
•27 janvier 1964 : la France est le premier grand pays occidental a établir des relations diplomatiques avec la Chine (tout de même précédée en 1950, par la Suisse et les pays scandinaves). Les deux premiers ambassadeurs furent nommés : Huang Zhen et Lucien Paye.
Le Général de Gaulle, par sa vision pionnière, sera un précurseur dans les relations Chine-Occident. En son honneur, le futur Lycée Français international de Pékin portera son nom, et la fameuse Citroën DS 19 du Général (photo) sera exposée à travers la Chine.
•1966 : Air France ouvre la ligne Paris-Shanghai, avec escales.
•1973 : Georges Pompidou rencontrera Mao. Il réalise ainsi le rêve du Général De Gaulle qui n’a jamais pu se rendre en Chine. C’est aussi la première visite d’un chef d’Etat occidental en RPC.
•Puis Giscard d’Estaing et Mitterrand lui emboitèrent le pas en 1980 et 1983.
•1997 : Suite aux évènements de juin 1989, il aura fallu attendre 14 ans pour revoir un chef d’Etat français sur sol chinois. Jacques Chirac rattrapa le temps perdu en liant une amitié durable avec son homologue Jiang Zemin, et signera un « partenariat stratégique » afin de renforcer les échanges économiques, diplomatiques et culturels.
•2004 : année de la Chine en France à l’occasion des années croisées (2003-2005). Hu Jintao fera le déplacement, et pour célébrer le 40ème anniversaire, la Tour Eiffel virera au rouge et la Cité Interdite revêtira les couleurs de la France.
•2008 : La flamme Olympique (JO de Pékin), lors de son passage à Paris, sera malmenée par les militants pro-Tibet. Un froid sera jeté sur les relations. La rencontre entre Nicolas Sarkozy et le Dalai Lama quelques mois après, ne mettra que de l’huile sur le feu. La normalisation se fera en 2009 grâce à Jean-Pierre Raffarin (« ami de la Chine » depuis sa visite en plein épisode du SRAS en 2003 en tant que 1er ministre).
•2013-2014 : Beau fixe. Après la brève visite chinoise de François Hollande, la France attend celle de Xi Jinping, fin mars, pour la première fois de sa carrière, fin mars.
Et quelques chiffres
•54,6 milliards d’euros : montant des échanges bilatéraux en 2012.
•100.000 personnes apprennent le français en Chine
•35.000 : le nombre d’étudiants chinois en France (+10% chaque année).
•1,2 million de touristes chinois se rendent en France chaque année, un chiffre en augmentation.
•50.000 Français vivent en Chine, formant la première communauté européenne dans plusieurs métropoles (Shanghai et Wuhan par exemple).
La nouvelle surprit tout le monde : Markus Ederer, ambassadeur de l’Union Européenne depuis janvier 2011, de nationalité allemande, était rappelé par son gouvernement pour servir en tant que Secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères.
Belle promotion pour cet homme de 53 ans. Elle était à vrai dire prévisible. Berlin avait envoyé un de ses meilleurs « espoirs » pour devenir le premier ambassadeur sous le nouveau service diplomatique de l’Union et les ordres de Catherine Ashton. L’idée était aussi de l’aguerrir au poste auquel il accède à présent.
Le 17 janvier 2014, un pied sur le marchepied de l’avion de retour, Markus Ederer faisait à la fois ses adieux à la presse internationale, le bilan de ses 3 ans de poste pékinois et esquissait l’avenir des relations sino-européennes. Voici un extrait de son discours :
De nouvelles plateformes de discussion
« Durant ces trois ans, même si les échanges commerciaux sont demeurés au centre de la relation, le dialogue sino-européen s’est approfondi dans un sens stratégique. Avec nos partenaires, nous avons créé de nouvelles plateformes de discussion, qui sont certainement appelées à gagner du contenu, s’intensifier et modifier nos relations pour leur donner un nouveau visage au 21ème siècle ».
« Ainsi sont apparus un Partenariat politique d’urbanisation, un Forum de 1800 maires, experts et urbanistes d’Europe et de Chine, mis en dialogue à travers notre réseau, et une « Taskforce » qui va permettre aux firmes des 28 Etats membres de participer à la conception et à la réalisation de villes nouvelles .
Nous avons aussi créé un Forum de Sécurité-Défense, et constatons sur la plupart des pays et points chauds du globe, de profondes convergences sur les actions à mener pour régler les crises. Par exemple, nous sommes en accord sur le déploiement de forces navales sous commandement conjoint au large d’Afrique Orientale. Suite à cette action, la piraterie a enregistré un recul important l’an dernier ». « De retour d’Afrique, le ministre des Affaires étrangères, Wang Yi, nous suggérait l’intérêt de la Chine à discuter avec l’UE du déploiement conjoint de forces de maintien de la paix dans des points de crise comme le Soudan du Sud… »
« Un de nos meilleurs succès commun a été de désamorcer le litige commercial sur les exportations chinoises de produits photovoltaïques, évitant ainsi l’escalade de rétorsions.
C’était notre plus lourd point d’affrontement, et le modèle de cette résolution pourra servir de base aux règlements de contentieux futurs ».
« Enfin, nous nous sommes dotés d’un agenda stratégique dit « 20/20 », envisageant les coopérations à mener d’ici 2020.
Nous avons jeté les bases d’un accord de protection des investissements, et avancé vers l’ouverture réciproque du marché des services, ainsi que des marchés publics.
Notre « trade group » bilatéral a contribué à ce que les investissements chinois en Europe l’an passé augmentent de 90%, une croissance supérieure à celle enregistrée aux Etats-Unis. Bien sûr, on peut faire beaucoup plus, et on part de bas : alors que nous sommes 1ers partenaires commerciaux l’un pour l’autre, les investissements directs provenant de Chine (IDE) ne constituent que 2% du total en Europe, et les nôtres ne font que 3% du total en Chine. »
Le 3ème Plenum – grand espoir
« Le 3ème Plenum, d’un point de vue européen, est très positif, en imposant à l’avenir un rôle plus important laissé au marché dans la conduite de l’économie. Cela créera une ouverture accrue pour les firmes de l’Union Européenne ».
« Au plan social, nous avons noté la fin des camps de travail et l’ajustement de la politique de l’enfant unique. Nous restons soucieux sur les droits de l’Homme : sur l’ajournement du procès de Xu Zhiyong (créateur du mouvement des « nouveaux citoyens »), le maintien en résidence surveillée de Liu Xia, la femme du prix Nobel de la paix Liu Xiaobo, et l’arrestation du professeur Ilham Tohti, activiste des droits du Xinjiang.
A son propos, nous réclamons qu’il soit traité selon la loi, que les charges contre lui soient publiées, et qu’au cas où la justice ne parviendrait pas à les substancier, qu’il soit libéré. Nous ne donnons ici aucune leçon, nous n’imposons aucun modèle. La Chine ayant tiré de la misère des centaines de millions de citoyens, qui vivent aujourd’hui avec un degré de libertés sans précédent, nous estimons qu’elle va dans le bon sens. Mais cette vision des droits de l’Homme fait partie de notre charte commune, nous l’appliquons au monde entier ».
Nous doter, Europe et Chine, de jeunes cadres au vécu partagé !
« L’idée dans tous ces programmes est de faire que la prochai-ne génération des deux continents se connaisse et se comprenne mieux que celle de ses aînés, la nôtre. Pour que les Européens n’arrivent pas à l’âge de 50 ans pour prendre un poste directeur en Chine sans en connaître la culture ni la langue, comme ce fut mon propre cas »
Ttrois ans, c’est trop court !
« Enfin, pour moi, ces trois ans ont filé comme l’éclair, c’est mon seul regret. C’était un privilège de travailler avec ce pays. Je suis arrivé ici en Européen convaincu. J’en repars encore plus renforcé dans ma foi européenne. Car durant ces années, l’UE face au monde s’est renforcée, elle a renforcé ses institutions financières pour être mieux armée face aux aléas financiers, et face à la Chine comme aux autres pays, elle s’est d’avantage affirmée, se rapprochant de l’échéance où elle parlera d’une seule voix ».