Santé : Malaria – une expérience chinoise en éprouvette insulaire

L’expérience réalisée aux Comores par le laboratoire chinois Artepharm, avec l’accord de l’Etat local, fait réfléchir. Depuis 2010, elle a transgressé un interdit médical mondial en traitant les 700.000 habitants de l’archipel avec un remède antipaludéen non certifié. Vu le risque d’image encouru en cas de catastrophe, on n’imagine pas que telle action ait pu être lancée par la firme sans la certitude que ce remède marche, ni sans l’aval du gouvernement chinois. 

En 3 mois, par dose mensuelle, les habitants ont reçu l’Artequick, fondé sur un principe nouveau : au lieu d’éliminer l’insecte vecteur, il vise la destruction du germe parasite chez toute une population simultanément. D’où l’intérêt d’avoir choisi un archipel, confiné dans l’Océan Indien. L’équipe médicale dévoile le projet après coup, en même temps que son résultat : d’après elle, c’est le succès total. La malaria, dont souffraient jusqu’a 90% de la population dans certains villages, a disparu « jusqu’à 95% ». Le moustique anophèle est toujours là, mais devenu inoffensif, faute de parasites à propager. 

Pour autant, la communauté médicale mondiale fronce les sourcils, face à ces libertés prises vis-à-vis de la règle : la communauté insulaire entière a été prise pour cobaye. Des cas de réactions fébriles lourdes ont été constatés lors des prises. A. Bosman, du Global Malaria Programme à l’OMS, déplore l’absence d’un suivi systématique de ces réactions et des effets secondaires. Il craint aussi que ces insulaires perdent leur immunité naturelle (celle qui limitait les effets du parasite) ainsi que le développement d’une résistance à l’artémisinine, composant n°1 du médicament Artequick.

Mais le Dr. Fouad Mohajdi, vice-Président et ministre de la Santé des Comores, n’en a cure. Par ce plan gratuit, la Chine a libéré son pays du paludisme, qui coûtait 11 millions de $ de soins par an, et ainsi permettrait des retombées économiques – autant de chance de sortir de la misère. 

De son côté, Pékin réfléchit, tout comme des dizaines d’Etats africains, les yeux rivés sur l’expérience comorienne. Ce remède efficace, bon marché, simple d’utilisation, ne pourrait-il pas être élargi à l’ensemble du continent ? Avec malgré tout une objection majeure : Artequick tue le germe, mais n’immunise pas contre son retour. A tout le moins, la Chine exprime ainsi son apparition, tout en puissance et en cavalier seul, dans la santé mondiale.

Retrouvez la version anglaise de cet article sur le blog d’Eric Meyer sur Forbes.

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