Le Président Xi Jinping et son 1er ministre Li Keqiang viennent d’assister à un nombre record de sommets : à Pékin (APEC, 10-11/11), à Nay Pyi Taw (Birmanie, 12-14/11) pour le 9ème East Asia, le 17ème ASEAN +3 (et sa session séparée ASEAN-China), puis à Brisbane pour le G20 (15-16/11). Partout, ils y ont martelé l’image d’une Chine « Soft Power » adulte, solidaire et responsable.
Divine surprise, arrivée à Brisbane hostile à toute coopération anti-corruption au sein du G20, la Chine a tourné casaque, se détournant ainsi de décennies de réflexes « anti-hégémoniques » qui l’empêchaient de collaborer avec l’Occident. Elle accepte désormais d’échanger avec les autres pays, pour identifier les propriétaires réels des sociétés-écran, sièges d’opérations financières illégales – conformément aux recommandations de l’OCDE en matière de lutte contre les profits illicites des multinationales.
Cette volte-face de la Chine avait été préfigurée par son opération « chasse au renard » lancée en 2013. 700 « cadres nus » en fuite, étaient retournés au pays, dont 288 sous la contrainte. Le Parti communiste chinois est prêt à aider des pays « capitalistes » à arrêter ses propres membres renégats. C’est un saut conceptuel, du stade de nation « révolutionnaire » à celui d’allié des puissances mondiales.
D’autres gestes symboliques ont suivi cette semaine, telle l’entrée de la Chine à l’Académie internationale anti-corruption à Vienne, son annonce d’une publication volontaire de ses réserves de pétrole, ou quelques mesures pour renforcer le libre flux des capitaux, dans la zone de libre-échange de Shanghai et d’autres points du pays.
Les sommets en Birmanie permirent à la Chine de rétablir une coopération bilatérale à la dérive depuis 2012, suite à l’ouverture au monde programmée par la junte militaire.
Li Keqiang apporta des chèques pour 20 projets d’une valeur de 8 milliards de $, tout en apprenant à son petit voisin que dorénavant, il serait soutenu « dans les choix de croissance que bon lui semblerait ».
Le 17/11, devant le Parlement australien, Xi Jinping jura que son pays n’userait jamais de la force des armes, même en conflit maritime, et face au Vietnam, Li se déclara prêt à signer et appliquer un code de conduite maritime avec l’ASEAN – même si ce texte reste évanescent après dix ans de palabres.
En résumé, c’est une offensive de charme que déploya la Chine vers l’extérieur.
Vers l’intérieur, c’est une autre histoire.
Depuis quelques semaines, à l’initiative de Xi Jinping, une campagne est lancée à travers les média, particulièrement sur internet, intimant à ces derniers de déployer prioritairement une « énergie positive » (正能量zhèng néngliàng). De même, les cadres du Parti se voient rappeler le 14/11 que l’athéisme est un principe intangible du socialisme.
Tout cela donne l’image d’un pays en pleine fluctuation dans ses manières de penser et de faire, se raccrochant à des valeurs ultraconservatrices côté cour, pour se donner le courage de se dépasser côté jardin.
Sommaire N° 38