Résumé de la 1ère partie : en mai 2011, Zhao Xinghua, Secrétaire du Parti à Zhenyang (Henan), se fait cambrioler par la bande à Wang Shengli, puis porte plainte… Le lendemain de son passage à la police, coup de théâtre : Zhao Xinghua, qui venait de se faire braquer, tenta de retirer sa plainte.
Très insolite, sa démarche faisait suite à l’appel discret d’un collègue haut placé à Pékin : dans 6 mois, la future équipe dirigeante lancerait une campagne anti-corruption sans précédent. Or, ce million de yuans dont Xinghua déplorait la perte, comment avec ses maigres émoluments de petit cadre provincial, pourrait-il les justifier ? C’était le coup de génie de Wang Shengli, son voleur, de choisir de ne s’en prendre qu’à des édiles, si notoirement corrompus qu’ils ne puissent après coup le dénoncer, sans se mettre eux-mêmes sur sièges éjectables !
Tout le district ne parlait plus que de ce cambriolage ! Le Parti avait été ridiculisé, et le chef des voleurs n’était pas loin de passer pour un héros. Un peu partout, on riait des malheurs de Zhao Xinghua, « pêcheur en eaux troubles » (混水摸鱼, hún shuǐ mō yú). A ce stade, retirer sa plainte eût sonné comme un aveu.
Suant à grosses gouttes, l’édile dut user de persuasion pour forcer son commissaire de police à modifier sa perte officielle, d’un tonitruant million de yuans, à 6040 petits yuans (cf caricature de presse).
Les semaines suivantes, la nouvelle se répandit comme traînée de poudre. Du coup, quand la bande à Shengli opéra chez les Secrétaires du Parti à Pingyu (800.000¥ de butin), Xiping (900.000¥), puis Tanghe (300.000¥). Les victimes à l’unisson « oublièrent » d’aller à la police laisser trace judiciaire de leur malheur. De la sorte en 2 ans, notre bande déroba tranquillement des dizaines de millions de yuans de butin à 50 serviteurs de la nation.
Jusqu’au jour où, retournant à Zhenyang, ils s’attaquèrent à Wu Lanxi, le directeur de la Banque Commerciale Rurale. Pas plus sot qu’un autre, Wu avait tôt compris que la cambriole chez lui n’était qu’une question de temps—et il s’y était préparé. Depuis un an, il évitait de toucher aux affaires louches et avait vidé sa maison de tout le luxe tapageur.
Aussi, quand les malfrats forcèrent sa porte et entamèrent la fouille, ils ne repartirent qu’avec 10.000¥, une misère. Autre retournement de situation, qui résonna tel un gong lugubre aux oreilles des hommes de Shengli : Wu porta plainte sans état d’âme— aïe aïe aïe, cela sentait le roussi !
Par malheur pour eux, nos monte-en-l’air avaient fait preuve d’imprudence naïve. Au lieu de ne jouir que plus tard de leurs biens mal acquis, une fois en sécurité et hors de cette existence dangereuse, ils grillaient la chandelle par les deux bouts, s’exhibant dans des clubs luxueux, ou frimant aux volants de grosses cylindrées.
A ce rythme, il ne fallut pas longtemps pour qu’ils figurent en tête de la liste des suspects. Au prochain casse, le 30 décembre 2012, une souricière les attendait : ils furent serrés à bord de leur camionnette bourrée des sacs d’argent et des bijoux du fric-frac. Puis les agents n’eurent plus n’eurent plus qu’à venir chez eux faire la pêche miraculeuse, récupérant la plus grosse part de leur butin accumulé en deux ans de cavale.
Zhao Xinghua, le Secrétaire de Zhenyang, put se réjouir mais pas pour longtemps. Bientôt arrivèrent chez lui les agents du fisc, lui rendant ses cartes de débit. Mais ils ajoutèrent – sans sourire – que ces cartes constituaient la preuve d’une « enveloppe rouge », offerte par un quidam en échange d’un passe-droit. De plus, l’avertirent-ils, sa plainte retouchée n’était « pas conforme à la réalité ».
Dans une manœuvre désespérée Xinghua s’en alla supplier secrètement son voleur en prison, de confirmer qu’il n’avait trouvé que « 6040¥ » chez lui. Bon prince, Shengli accepta, essayant de négocier une peine réduite à 5 ans. Mais tous ces aimables petits arrangements ne bénéficièrent ni à l’un ni à l’autre : inculpé à son tour en août 2013, Zhao Xinghua acculé passait d’abord aux aveux, puis derrière les barreaux.
Notre fable ne s’arrête pas là. Au commissariat, les trésors des bandits demeurent stockés. Personne n’ose venir les réclamer, au risque de se dénoncer au passage. Incapables de résister à la tentation, quelques ripoux ont commencé à se servir, picorant qui un lingot, qui un bijou. Grand mal leur fasse ! Ils se firent embastiller à leur tour… Dans ce guêpier affolé, l’argent maudit nuit à quiconque le touche, comme dans « la vengeance de la momie », le Pharaon qui punit un à un tous les profanateurs de sa pyramide.
Pour sa part, dans sa cellule, Wang Shengli, le cerveau, s’amuse royalement : n’ayant plus rien à perdre, il a pris un avocat et négocie directement avec Pékin. C’est qu’il en a des choses à dire, sur les 50 cadres corrompus dont il a pénétré les maisons et les secrètes turpitudes. Assez peut-être, pour racheter sa liberté !
Sommaire N° 38