Au 3ème trimestre, surprise, la multinationale
Unilever vit ses ventes en Chine chuter de 20%, sur 2013. Au second trimestre, Wal-Mart constatait la même tendance : partout ses chiffres progressaient, sauf en Chine. <p>Le bilan conjoncturel de septembre confirme le marasme. À 1,6%, l’inflation, synonyme de mévente, est la plus basse en 5 ans.La courbe des ventes d’automobiles faiblit de 8% à 6,4%,comme celle des infrastructures fixes, moteur du PIB (11,6% en septembre contre 11,9% en août). Les ventes de logements baissent de 11% depuis janvier. Pour la première fois en presque deux ans, les prix du neuf baissent dans 70 villes. Le commerce de détail recule de 11,9% à 11,6%, et 10,2% pour les cent principales chaînes de distribution – comme si les gens reportaient leurs emplettes (réduites à la portion congrue) vers leurs boutiques de quartier. En 2014, la dette allégera le pouvoir d’achat du pays, en paiement d’intérêts, de 1,7 trillion de $, presque un PIB indien : 32% de l’argent frais de la nation.
Seules trois données peuvent ramener un mince sourire aux lèvres des économistes : dès septembre, avec trois mois d’avance sur les objectifs, 10,82 millions d’emplois étaient créés, la croissance industrielle repartait de 6,9% à 8%, et l’indice des directeurs d’achat (PMI) repassait en octobre au positif avec 50,2.
Ce tableau n’en aboutit pas moins pour 2014 à un PIB le plus bas depuis 2008 (+7,3%) : les 7,5% rêvés par Li Keqiang semblent une chimère !
Il y a paradoxe : à 9,5 trillions de $ en 2013, le PIB a presque triplé par rapport à 2007. Mais en produisant cette pyramide de biens et de services, l’avantage concurrentiel a reculé au fil des ans. The Economist parle d’une « production improductive ». Citant l’économiste Harry Wu, il soupçonne la productivité d’avoir reculé de 0,9% par an du fait d’investissements gaspillés, d’infrastructures redondantes (ports, autoroutes, lignes de chemin de fer) et de cités bâties sans regard à la demande, alors que 87% des foyers citadins sont déjà propriétaires (contre 63,7% en France). Or, une fois passé ce cap de la demande fondamentale, les achats d’appartements deviennent spéculatifs et leurs prix fluctuants comme une bourse, risquant l’effondrement.
Le talon d’Achille de cette économie est donc identifié : le logement. Pour Sofun le site expert du secteur, après la montée rapide des prix en 2012-2013 (spéculative, en partie orchestrée par les provinces pour maintenir le flux des ventes de terrain, leur principale source de financement), ceux-ci subissent un ajustement, consolidation qui pourrait les faire décliner de 10% d’ici mi-2015. Les promoteurs ont grand mal à vendre, car les investisseurs attendent la remontée des prix pour être sûr de voir leur bien se valoriser et non l’inverse.
Par ailleurs, les cas d’Unilever ou de Wal-Mart éclairent la crise en cours. Des stimuli en 2012-2013 ont permis aux usines de produire, aux distributeurs de stocker, mais non au client final d’acheter : c’était de la « croissance fantôme », où des inventaires énormes (200 jours pour les boissons, 900 jours pour les alcools) ont été accumulés, forçant aujourd’hui le commerce à interrompre ce trafic et à casser leurs marges pour déstocker. Même les aciéries produisent à plein régime (67,54 millions de tonnes en septembre), mais à prix cassés, 424$ la tonne (-40%), soit le prix du chou.
Sur la base de telles données, Conference Board, un groupe de réflexion américain publie ses projections de croissance : 5,5% de 2015 à 2019, et 3,9% en 2020 : les 20 ans de croissance à +10% seraient définitivement terminés. A l’explication de la saturation du marché public, Conference Board en ajoute une autre : l’ingérence maintenue de l’Etat dans l’économie, incapable de se désengager assez vite, selon la promesse liminaire de Li Keqiang.
Cette récession commence à affecter l’étranger : en 2013, leurs investissements industriels en Chine diminuent de 6,78%. Du côté nippon, ce chiffre recule de 17,7%, alors qu’il explose de +260% dans les pays de l’ASEAN—une tendance qui explique les efforts aussi discrets que fermes du pouvoir chinois pour enrayer cette spirale néfaste.
Dans ce contexte difficile, on attend les mesures de l’Etat pour remettre son économie sur les rails. Pour l’instant, on ne voit qu’un léger crédit aux banques le 21/10, 300 milliards de ¥ destinés aux prêts à l’agriculture et aux PME. La Banque Centrale vient d’autoriser les acheteurs déjà propriétaires à accéder à une hypothèque bancaire de 70%. Dans les villes, 53 banques commencent à offrir aux candidats au (1er) logement des hypothèques moins chères, rognées jusqu’à –30% sur le taux pivot.
Et c’est ainsi que la Chine est en recherche d’un nouvel équilibre, sous une croissance réduite. Mais pourra-t-elle la trouver sans les réformes de fond promises depuis 18 mois par le tandem Xi Jinping -Li Keqiang, mais absentes du dernier Plenum ? Rien n’est moins sûr: la Chine n’a donc pas le choix, condamnée à aller de l’avant dans les réformes, celles du sol et celle du crédit notamment.
Sommaire N° 36