Les temps changent au Tibet. Les signes de dégel se multiplient, telle l’annonce depuis avril d’une loi imminente pour protéger la langue tibétaine. Telle aussi cette déclaration fin août, du n°2 du Parti à Lhassa : le pouvoir était en train de négocier avec le Dalaï-lama son retour au Pays des neiges. Mais l’offre sembla inacceptable aux Tibétains de l’exil : elle excluait a priori toute concession sur la liberté de culte au Tibet (aujourd’hui étroite), ou le retour des 100.000 réfugiés de seconde ou troisième génération.
Malgré ces limitations, l’offre pékinoise traduisait un tournant sans précédent, lui-même miroir d’une embellie économique et d’un apaisement (fin provisoire des auto-immolations et des manifestations). Aussi les soldats en armes se sont retirés des rues, et Pékin semblait pouvoir envisager un retour du Dalaï-lama, pour accélérer la normalisation.
Cependant à Dharamsala (Inde), le Dalaï-Lama énonça (07/09) sa volonté que nul ne lui succède après sa mort, par réincarnation. Puis début octobre, il déclara qu’il souhaitait se rendre à Wutaishan, mont sacré bouddhiste, et que Pékin était quasi d’accord. Sous-entendu, Wutaishan serait une étape, avant son retour à sa terre natale.
Le couperet tomba le 09/10 quand un porte-parole déclara sèchement que le Dalaï-lama « ferait mieux de cesser de parler d’un soi-disant retour au Tibet ».
Le projet était-il enterré ? Que s’était-il passé ? Il faut dire que depuis l’été, il y a en Chine ce mouvement de balancier politique de résistance à Xi Jinping. Venu du bloc conservateur, il se sent en tous domaines, contre la campagne anti-corruption. Un exemple de ces coups, est d’avoir fait entrer des troupes chinoises au Ladakh revendiqué par l’Inde, au beau milieu de la visite de Xi à New Delhi, laquelle s’en retrouvait torpillée.
Vu sous cet angle, le raidissement de Pékin sur le Dalaï-lama n’est pas forcément gravé dans le marbre : si Xi Jinping gagne la bataille sur ses adversaires conservateurs, ou transige avec eux, la nouvelle politique de détente au Tibet reprendra. La bonne nouvelle, est qu’elle est engagée – sans marche arrière possible.
Sommaire N° 35