Editorial : Conjoncture – l’heure des comptes

Les 10-12/09 au World Economic Forum de Tianjin, Li Keqiang, 1er ministre, s’efforça de rassurer les participants à ce Gotha de la finance : les réformes étaient bien en chemin, et l’objectif de croissance du PIB de 7,5% en 2014 serait bien atteint, sans stimulus !

Mais Li peina à convaincre, tant les dernières données conjoncturelles contredisaient sa thèse. En Chine comme ailleurs, « la mauvaise monnaie chasse la bonne : le crédit « gris » prend le relais, à taux prohibitif qui plombe les caisses des firmes. Le pays souffre d’une sévère sous-capitalisation : les banques ne prêtent plus. La Chine paie aujourd’hui le prix pour ces 600 milliards de $ de stimulus offert par Wen Jiabao en 2008 aux consortia publics pour résister à la première vague de crise mondiale. Ceux-ci en ont alors profité pour oublier la course à la productivité et le nettoyage des surcapacités. L’analyste Harry Wu estime que la productivité chinoise a dévissé à -0,9% en 2007-2012 par rapport à l’indice mondial (+3,3% en 2001-2007). D’autres études établissent que les salaires, parmi les plus hauts d’Asie, ont quintuplé en 10 ans, passant de 4% à 20% de la moyenne américaine.

Contre ce dérapage, en un an, l’Etat a réduit de 40% le crédit légal (de 1580 milliards de ¥ à 957 milliards de ¥), baissé de 16,5% depuis janvier les dépenses d’infrastructures. Mais la décrue en a entraîné d’autres : moins 10% aux ventes de logements, seulement 2,5% à l’inflation (indice de chute de la consommation), -2,2% d’électricité (du jamais vu depuis 2009), – 2,4% à l’import. En août, les dépenses publiques végétaient à +1,6%, et le PIB atteignait +6,3%. On risquait l’effondrement de la croissance à l’automne, et de voir Li Keqiang devenir, depuis 1989, le 1er chef de gouvernement ratant l’objectif de PIB. Aussi le 16/09, il laissa la Banque Centrale offrir 81 milliards de $ (500 milliards de ¥) aux 5 grandes banques, en prêts (bas taux, à 3 mois) et à « destination préférentielle » des logements sociaux et PME. 

Mais dès août, gavée de crédit gris, la dette sur 12 mois avait monté de 16%, bien au dessus du PIB. Impossible de se leurrer : cette année la Chine a donc renforcé la bulle du crédit, au lieu de la résorber. Li n’ose pas s’attaquer au crédit gris, de peur de faillites en pagaille et de désordre social. Il est aussi bloqué par le «carré d’acier» des castes privilégiées. 

Dans ce contexte, Li n’ose pas davantage dépanner les grands groupes en difficulté financière. Mais selon ce confrère du South China Morning Post, « une croissance saine dépend d’un système bancaire stable et fonctionnel. Plus la Chine attendra pour le créer, plus elle risquera la perte de décennies de croissance », tel le Japon de 1997 à ce jour. On eût pu rêver que Pékin use de ses 4000 milliards de $ de réserves en devises pour se renflouer. Hélas, cette botte secrète est hors d’usage : si le régime tentait de massivement déstocker ces fonds placés à l’étranger, il aurait bonne chance, vu la fragilité des débiteurs d’Europe, des Etats-Unis ou du Japon, de dynamiter la stabilité mondiale. Autant dire que Li Keqiang et Xi Jinping n’ont pas d’alternative au fait de retourner -vite – à la marche forcée vers la productivité, qu’avait initié en son temps le 1er ministre Zhu Rongji !

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