Monde de l'entreprise : Alibaba, sacré à New York

Alibaba, sacré à New York

Après 3 semaines de course haletante entre avions et conférences de presse, Jack Ma, l’ex-prof d’anglais, devenu le pape du commerce sur le web, voit son « bébé » Alibaba sacré plus gros titre mondial en Bourse de New York (NYSE), après avoir écoulé 320 millions de parts pour 21,8 milliards de $, ce qui établit la valeur du groupe à 167,6 milliards de $. Et plus encore : avec le droit à des investisseurs « stratégiques » d’achat d’actions ultérieurement émises, l’addition finale est réputée dépasser 25MM$.

Alibaba, c’est 80% du commerce chinois en ligne, au marché potentiel de 632 millions d’usagers locaux, qui atteindront les 850 millions en 2015. On est donc dans l’artillerie lourde d’un secteur commercial de demain. 

Depuis l’annonce au printemps de la cotation américaine, la passion des acheteurs n’a eu de pair que l’audace des vendeurs. Les demandes ont tant dépassé l’offre, qu’Alibaba a augmenté son prix, de 60-66$ à 68$ la part. A New York, ce 19 septembre, son titre « BABA » a même frôlé, quelques minutes, la barre symbolique des 100$ (99,70$). L’action s’échangeait à 93.47$ pour une capitalisation boursière de plus de 240.45 milliards de $, soit au dessus des 200 milliards de Facebook.

D’autres compagnies ont profité par rebond de l’introduction en bourse d’Alibaba tel Hundsun, un de ses créateurs de logiciels dont l’action monte de 24%, ou CSLC, le transporteur maritime – pilier de sa logistique entre les 5 continents. Même Yahoo!, qui détient 22% des parts, profite en émettant 320 millions de ses propres parts. 

Par jeu de vases financiers communicants, tous les autres géants de l’internet chinois (Tencent, Baidu, Netease, Qihoo 360, Sohu, Sina Weibo…) perdent de 2 à 11% en valeur, quoique nullement en concurrence avec Alibaba. Les cohortes d’agioteurs rassemblent leur argent en tir groupé sur cette affaire réputée si juteuse. 

Mais en dehors des acheteurs dans les couloirs de l’internet, on cause. L’affaire n’est pas si ronde qu’elle n’en a l’air. En 2013, le HKSE, bourse de Hong Kong, a tout bonnement rejeté la candidature d’Alibaba, trouvant trop floue sa structure de vote interne. 

C’est que Yahoo! et le nippon Softbank contrôlent 56% des parts, mais se retrouvent au Conseil des directeurs avec moins de 50% des votes. Et pour marteler plus encore son pouvoir, Jack Ma a imposé un directoire discrétionnaire de 27 membres, qui se substitue pour le pilotage au Conseil des Directeurs, avec pour effet de réduire au silence les actionnaires étrangers, gros ou petits. 

Jack Ma Singapour Le 16 SeptD’autres problèmes rencontrés au fil des années, concernent la gouvernance éthique : Alibaba ne compte plus les cas de journalistes soudoyés pour calmer leurs velléités de « mal » écrire, ni les affaires de vente en ligne de produits piratés. L’administration américaine avait un moment envisagé d’inscrire le groupe sur sa liste noire mondiale du piratage intellectuel. 

Alibaba est indéniablement un groupe privé, mais ses rapports avec de grandes familles chinoises sont évidents. 

Ainsi en janvier, il rachetait Citic 21CN, PME de service informatique voire téléphonique aux firmes pharmaceutiques. Parmi ses leaders comptent le Général en retraite Zhang Lianyang et sa jeune femme (25 ans) Chen Xiaoyin. Quoique la start-up soit demeurée abonnée à l’absence de profits depuis 2006, J. Ma n’hésitait pas à décaisser 170 millions de $ pour racheter la société. Suite à quoi en 8 mois, par manipulations boursières, sa valeur se voyait catapultée à 500 millions de $. Le fait d’appartenir dorénavant au groupe, a aussi permis au chanceux général d’exercer à New York son droit de préemption à prix cassé sur 30 millions de parts Alibaba. A tous les coups, on gagne !

Nonobstant ces objections et un prix d’achat très élevé, les chances de profit des actionnaires sont excellentes – selon les pronostics, le commerce chinois en ligne doit « peser » l’an prochain 395 milliards de $ (triple du chiffre de 2011). 

D’autres risques seront d’ordre « technique », liés au fonctionnement d’outils du groupe tel son système de paiement en ligne Alipay, ou à ses rapports avec les différentes tutelles nationales (Banque Centrale, NDRC – la Commission nationale de développement et de Réforme, MII – Ministère des Industries et des technologies de l’Information).

Le risque politique est évident, vu le nombre d’investisseurs secrets, pouvant tomber dans le collimateur du régime : la CCID, police interne du Parti, enquêtant sur tel personnage, pourrait se retrouver dans les eaux d’Alibaba. Le cas de Huang Guangyu, président fondateur de Gome (à l’époque n°1 national de la vente d’électroménager en magasin), est là pour le rappeler. Huang fut arrêté en 2010 pour « corruption », condamné à 14 ans de prison. Mais à ce jour, on ignore encore la cause exacte de sa chute. Depuis, le groupe n’a cessé de péricliter, faute d’un « amiral » poids lourd politique pour le piloter et le défendre !

Avez-vous aimé cet article ?
Note des lecteurs:
0/5
11 de Votes
Ecrire un commentaire