Le 03/09, He Jianzhong, vice-ministre des Transports, présentait de nouvelles lignes directrices pour la réforme du transport maritime. Le fait qu’il s’agisse de la seconde directive en 12 mois, souligne la crise d’un armement chinois déficitaire depuis 5 ans.
La raison n°1 se trouve dans les propriétés et gestions publiques : les provinces et villes côtières tendent à faire vivre leur compagnie, à perte. En 2013, la flotte chinoise comptait 142 millions de TJB de capacité (4ème rang mondial), mais ils sont atomisés entre 240 armements.
Le résultat est une offre de services peu compétitifs sur des lignes inadéquates et aux horaires aléatoires. Aussi, malgré les appels répétés des pouvoirs publics, cette flotte hétéroclite n’a jamais pu conquérir plus du quart du trafic national.
Une autre raison tient à la course que se sont livrés tous ces acteurs avant 2008, course aux commandes de nouveaux navires (à l’époque, tous les records de volumes des exports étaient battus chaque année) – lesquels n’ont ensuite jamais été amortis.
Aussi dans ses lignes directrices, Pékin vise 7 objectifs d’ici 2020. Afin de dégonfler la surcapacité, les groupes maritimes sont invités à retirer les navires obsolètes, consommant trop et polluants. Fusions et acquisitions sont encouragées, surtout autour de hubs tels Shanghai ou Dalian, dans l’espoir d’en améliorer les services au niveau d’attractivité de Londres et autres.
Des groupes endettés tels Cosco ou China Shipping doivent améliorer la gestion, maîtriser les coûts et atteindre l’économie d’échelle. Les routes maritimes devraient être révisées—avec peut-être celle arctique, aujourd’hui dangereuse mais prometteuse d’un marché neuf, à prendre.
Au fait, comment financer ce grand tournant, la reprise d’armateurs déficitaires, la mise à la casse de cargos hypothéqués ? Le document évoque vaguement une nouvelle taxation (bonifications ou exemptions d’impôts) et « d’autres mesures similaires ».
Intégreront-elles le retour aux subventions, une des causes de la crise actuelle ? Confronté à des choix difficiles, l’Etat pourrait opter pour sauver les plus gros (« too big to fail »), laissant la nature décider pour les autres.
Une nouvelle alliance
Sur ce marché chinois, face aux dinosaures publics mal gérés, l’étranger n’a pas attendu pour passer à l’étape suivante et se retrouver avec une longueur d’avance. En deux ans, parmi les vingt premiers pavillons globaux, trois consortia sont nés : le G6 (6 armateurs), le CKYHE (5 compagnies) et le « 2M » de Maersk et MSC (Mediterranean Shipping).
Or la dernière alliance vient d’être officialisée le 9 septembre : Ocean Three qui rallie CMA-CGM (France, n°3), CSCL (Chine, n°7) et UASC (United Arab, n°19).
Les partenaires exploiteront 15 services parfois quotidiens entre 5 continents, via des hubs communs de transbordement, et partageront en partie maintenance et équipages.
Comme les 3 autres alliances, Ocean Three est soumise à l’approbation d’autorités, telles la US Federal Maritime Commission (FMC), l’UE et la Chine.
Fait remarquable, une 1ère tentative d’alliance de CMA-CGM avec Maersk et Moeller avait capoté en juin dernier sur veto chinois, malgré le « oui » de la FMC. Ce qui avait forcé le pavillon tricolore à mettre les bouchées doubles pour créer un autre montage.
Le fait que la nouvelle alliance inclue désormais le groupe shanghaien, pourrait bien révéler la raison du blocage de Pékin : ce regroupement envisagé des trois plus gros mondiaux, ne comportait pas de partenaire chinois !
Dans la mesure où de tels pools risquaient d’étrangler progressivement tout outsider à l’avenir, imposer la présence d’un de ses propres champions, était pour la Chine une question de légitime défense.
Sommaire N° 30