Audi, taxé de 40,5 millions de $ (11/09) pour entente sur les prix de ses pièces
La campagne antitrust s’exacerbe ces derniers mois. Premières victimes, les groupes étrangers commencent à demander des comptes, via deux Chambres de Commerce en Chine, l’AmCham (USA) et l’EUCC (UE). La question fut au cœur des travaux du World Economic Forum (WEF) à Tianjin les 10-12/09.
En 2013, le nouveau cabinet de Li Keqiang avait voulu donner au marché un rôle décisif et sévir contre les pratiques anticoncurrentielles. Mais depuis lors, ses nombreuses attaques envers les groupes étrangers poussent ces derniers à crier à la discrimination.
Au WEF, le 1er ministre a voulu rassurer : « nos enquêtes antitrust sont légales, transparentes, équitables. Seuls 10% des cas visent les étrangers ». Mais ce chiffre est infirmé par l’AmCham qui, sur les rachats d’actifs bloqués au MofCom, ne dénombre que 7,6% de cas « domestiques », tous les autres impliquant des étrangers. Une autre plainte évoque cette menace de la NDRC aux multinationales sous enquête : qu’elles n’essaient pas de faire intervenir leurs avocats, sous peine de voir leur amende alourdie.
Certains analystes voient dans cette campagne un expédient protectionniste, dans un contexte de récession. Selon eux, cette campagne assurerait plusieurs avantages à l’Etat :
1. Sans effort ni risque, une volée d’enquêtes antitrust lui permettrait de casser les prix de produits de première nécessité et de première qualité, tel le lait maternisé. Elle assurerait donc au gouvernement un regain de popularité.
2. Elle lui permettrait aussi de briser l’image un peu trop flatteuse des groupes étrangers, à présent surpris à frauder. Elle inciterait ainsi le consommateur de base à se remettre à « acheter chinois ».
Au WEF à Tianjin (09/9) Lu Wei, ministre de l’Internet, interpella P. Jacobs, CEO de Qualcomm (USA), groupe sous enquête qui risque 1,2 milliard de $ d’amende : « Nous refusons qu’une firme fasse du profit en Chine, tout en nuisant à la Chine… Nous devrions faire du profit ensemble » – allusion aux 24,8 milliards de $ de chiffre d’affaires réalisé par Qualcomm en 2013, dont 49% sur sol chinois.
Pour preuve de sa bonne foi et de son équité, Pékin divulguait la semaine passée le cas de 13 assureurs du Zhejiang, frappés 10 mois plus tôt pour entente sur les prix de leurs polices…
Mais voici que sur ce dossier apparait un voix discordante et que nul n’attendait : Ma Yu, analyste auprès du MofCom, s’oppose à la campagne antitrust sur son blog, la qualifiant d’« absurde et ridicule ». Un grand tort est de s’attaquer à l’industrie automobile : ses prix manipulés et sa faible concurrence interne, n’est que le reflet d’une organisation réglementaire fautive, par laquelle l’Etat a imposé aux étrangers de fonctionner en JV. Une frappe antitrust ne peut pas être la solution : ce qu’il faut changer, c’est la base du métier, les règles…
Ma reprochait aussi à la campagne de fermer les yeux sur l’épicentre des cartels : des secteurs d’Etat tels la banque, les télécoms ou l’électricité, qui ponctionnent impunément des centaines de millions de consommateurs. Le franc-parler de cet expert chinois est le signal qu’en Chine, quelque chose change dans les mentalités, sinon dans le discours !
Sommaire N° 30