Investissements : Le saut lusitanien de Fosun

Pour 1 milliard d’€ le 09/01, Fosun, le groupe d’investissements privé chinois rachète 80% de la branche ‘assurances’ ( Caixa Seguros – CS) de la banque publique portugaise Caixa Geral de Depositos qui détient 30% du marché local. C’est ainsi que l’Etat portugais rembourse ses dettes en vendant des actifs, notamment l’électricien EDP (21%) et le réseau de distribution électrique REN (25%) (rachetés par Trois Gorges et State Grid). L’Etat a ainsi récupéré 8,1 milliards d’€, dont la moitié de Chine, ce qui lui permet de recommencer à se financer par obligations. 

A chaque appel d’offres, Lisbonne a préféré la chinoise : c’est que la Chine paie plus, et d’autre part Fosun s’engage davantage, en promettant de préserver l’entité au-delà des quatre ans inscrits au cahier des charges. 

Fosun, à vrai dire, n’en est pas à son coup d’essai dans son expansion hors-frontières. En 2013, il participait au consortium d’Axa pour le rachat de Club Med (7%, 23 millions d’€). Il prenait une part du prêt à porter italien Raffaele Caruso et investissait dans la ligne d’habillement grecque Folli-Folie. En décembre 2013, il reprenait la tour One Chase Manhattan à New York, moyennant 725 millions de $. 

Belle réussite, pour Guo Guangchang, Liang Xinjun, Wang Junbin et Fan Wei, qui démarraient en 1992, jeunes diplômés de Fudan, en fondant Fosun. Fosun démontre une capacité prodigieuse à se redéfinir au bon moment. Dans les années 2000, alors que tous les indicateurs étaient à la crois-sance, surtout dans l’immobilier (de janvier à juin 2013, sa filiale Forte écoulait pour 9,1 milliards ¥ d’appartements), les mines (Hainan) et la sidérurgie (aciéries de Nankin), Fosun s’imposait un tournant. Ayant soigneusement étudié le modèle de Warren Buffett et de son groupe Berkshire Hathaway, ses leaders décidaient de se lancer dans l’assurance, secteur d’avenir. 

De même, Fosun sait se montrer flexible. Ainsi le rachat de CGD s’est fait par hasard. Ses investisseurs se rendaient à Madrid, profitant de la crise pour faire de belles affaires dans la finance ibérique. Mais sur place, un intermédiaire attira leur attention sur le Portugal et CS, aux conditions encore plus séduisantes…leur permettant de saisir la balle au bond ! 

Au lendemain du rachat des assurances lusitaniennes, les agences de notation, Moody’s et S&P ont froncé les sourcils, agacées par le style de Fosun—un peu trop primesautier à leur goût : racheter, mais avec quel argent ? Fosun, qui disposait de 22 milliards ¥ de cash en juin dernier, balaya l’objection d’un revers de main. Peu après, il se mettait en campagne, prétendant à la reprise du groupe de presse Forbes, dont il produit déjà la version chinoise. Parmi ses rivaux, figurent de grands noms tels Spice Global, le conglomérat indo-singapourien et l’allemand Axel Springer. 

Mais revenons à la reprise de Caixa Seguros. Du point de vue chinois, le moment est venu d’investir en Europe : la crise de l’euro est largement dépassée. Les finances des Etats sont en voie d’assainissement, et bien des secteurs clés, momentanément affaiblis, cherchent des financements pour redémarrer. 

Fosun n’exclut pas d’investir davantage au Portugal, notamment dans le tourisme et la santé : deux domaines naturellement complémentaires de l’assurance (qui peut les financer et assurer). Le groupe promet aussi de chercher à développer CS en Afrique, à commencer par les ex-colonies lusitaniennes.Entre toutes ces voies d’expansion, le « Berkshire Hathaway Shanghaïen » comme on l’appelle, n’a que l’embarras du choix.

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