Tout l’été, Pékin et Hong Kong ont joué au chat et à la souris. Il fallait définir les modalités de l’élection au suffrage universel du Chef de l’exécutif en 2017, selon l’engagement pris par Deng Xiaoping et Margaret Thatcher en 1984. Tout était question d’interprétation. Depuis le retour de la Colonie en 1997, Pékin avait toujours bloqué un suffrage pouvant déboucher sur un déni de sa souveraineté. Mais les instances centrales étaient aussi anxieuses d’éviter le clash avec son joyau technologique et financier. D’où leur attitude louvoyante de l’été, soufflant alternativement le chaud et le froid.
En juillet, Pékin publia un Livre Blanc au ton très dur : tout privilège dont pouvait se prévaloir le Rocher, émanait du seul bon vouloir de Pékin. Puis fin août, Li Fei, chef du groupe « loi fondamentale de HK » à l’ANP, vint rétablir un semblant de dialogue en rencontrant à Shenzhen 49 édiles hongkongais…
Finalement, le 31 août, le couperet tomba : feu vert au suffrage universel, « un homme/un vote », mais les 2 ou 3 candidats autorisés seront indirectement choisis par Pékin seul, parmi les seuls « patriotes ». Ainsi, l’opposition démocrate est exclue, inéligible.
C’est le clash, car cette famille politique qui pèse 27 élus sur 80 au Legco n’a désormais d’autre choix que de rejeter cette règle, qui doit à présent être approuvée à la majorité des 2/3. Mais en cas de rejet, Pékin l’a déjà clairement dit, il n’y aura pas d’autre offre : le suffrage indirect restera.
Dans la rue, une opinion active menaçait depuis des mois d’« Occuper Central » (le quartier d’affaires), la démocratie dût-elle lui être refusée. Aussi, une fois Pékin ayant notifié son choix, cette mouvance restait d’abord sous le choc. Mais après 48h, par la voix de son porte-parole Benny Tai, elle se releva et se lança dans une nouvelle vague de « désobéissance civile ». Dos au mur, elle se bat « pour ses enfants » et n’a plus rien à perdre.
Le Chef de l’exécutif, C.Y. Leung, mène une campagne hyperactive pour défendre le « progrès » de l’offre chinoise. De même, un de ses prédécesseurs, C.H. Tung (qui avait dû démissionner en 2005, suite à une manifestation de 500.000 personnes contre une tentative de limitation des droits civiques) réapparaît pour prêcher la coopération. À Londres, la Chambre des Communes et Chris Patten, le dernier gouverneur de la colonie, prétendent vérifier si la Chine « a bien honoré sa part du Traité » – provoquant la fureur théâtrale de Pékin…
Clairement, cette décision n’annonce pas des jours paisibles. Si l’on se place d’un point de vue du pouvoir pourtant, ce dernier n’avait guère d’alternative – sauf à se retrouver avec 1,3 milliard de mécontents réclamant à leur tour la démocratie.
Cette raideur, évidemment validée par Xi Jinping, serait peut-être une tentative pour mettre en difficulté Zhang Dejiang, Président du Parlement et responsable du dossier Hong Kong, un conservateur hostile aux réformes…
Finalement, peut-être la grande question de l’avenir, sera de voir quel est le nombre de Hongkongais prêts à accepter ce deal – au nom des emplois, des investissements, de l’avenir.
Sommaire N° 29