Il y a trois ans encore, le
catholicisme en Chine était considéré par le régime comme puissance étrangère à surveiller – le protestantisme avait image plus rassurante. Cet été cependant, ces deux versions du christianisme ont vu les tendances s’inverser : embellie pour l’église romaine, persécution pour celle de Luther. Curieux retour de flamme, mais instructif sur l’évolution de cette société, tant au plan politique que spirituel. <p>- Côté catholique, le changement a été induit par un lien personnel entre Xi Jinping et le Pape François 1er. Ces hommes ont reçu à trois jours d’intervalle, en mars 2013, la charge respective du PCC et du Vatican. Dans la force de l’âge, ils sont de longue date convaincus du profit à mettre fin à plus de 60 ans d’ostracisme mutuel…En août, Xi ouvrit—pour la première fois dans l’histoire – le survol de la Chine au Pape, en route pour Séoul. Ce dernier le remercia en étendant, sur la Chine et ses dirigeants, une « céleste » bénédiction : « nous sommes proches de la Chine. Ne nous craignez point. Nous ne cherchons que le dialogue ! » Pékin fit une réponse qui se voulait presque encourageante : « la Chine a toujours été sincère dans son effort d’améliorer les relations »…
Certes, il y a eu quelques fausses notes, tel le sec rappel de l’Association patriotique catholique, de l’interdiction aux « forces étrangères d’interférer » dans les affaires intérieures. Mais sur le fond, pas d’erreur possible : entre ces deux vieilles maisons, on a bien assisté à un début de dégel.
– Avec les protestants, ce fut tout le contraire. Leur église subit de plein fouet une campagne débutée au printemps visant à démolir ceux de leurs temples jugés « illégaux ». Pour être objectifs, cette campagne ne se déroule qu’au Zhejiang, peut-être à titre de test pour évaluer les conséquences à petite échelle avant déploiement national.
Dans les années ‘80 au Guangdong, une campagne de harcèlement s’était déroulée sur fond d’enregistrement administratif forcé des paroisses. De même les destructions visent aussi, dans une moindre mesure, les églises catholiques. Fin de l’été, au moins trois temples protestants, et 160 croix étaient déjà tombés.
Ailleurs, au Henan, un pasteur est condamné à 12 ans de prison, et à Pékin Wang Zuo’an, Président du Bureau des affaires religieuses, prétend (6 août) réécrire la théologie du protestantisme, « en fonction des règles de la nation ».
Le problème tient à la croissance exponentielle des vocations. À présent, le nombre des Calvinistes en Chine va de 40 millions (chiffres du régime) à 80 millions (sources protestantes). En y ajoutant les 10 à 15 millions de catholiques, les 87 millions de membres du Parti sont aisément dépassés, ce qui ne peut qu’alerter les autorités.
Leur croissance est si fulgurante que plusieurs experts n’ hésitent plus à prédire d’ici 2030, une Chine passée 1ère nation chrétienne avec 350 millions de baptisés (qui représenteraient alors 20% de la population). Et ces « agneaux de Dieu », face au système, ne seraient pas des « moutons » : dès aujourd’hui, poussés par leur foi, les protestants osent toujours plus critiquer la politique religieuse du gouvernement. C’est donc l’épreuve de force. Mais n’est-ce pas justement ce moment de crise qui donne plus d’urgence et d’intérêt à la tentative de rapprochement initiée par Xi Jinping et le Pape François ?
Sommaire N° 29