Cet été, la Chine a vu se poursuivre une bataille intense entre le Président Xi Jinping, et les bastions conservateurs arc-boutés sur leurs privilèges – voire leur simple survie.
Le chef de l’Etat et du Parti semble jouer le tout pour le tout, tel ce 26 juin, où au Politburo, il se disait prêt à « aller jusqu’au bout dans sa lutte contre la corruption, au mépris de sa vie ou de sa réputation ».
Vingt mois de chasse aux corrompus ont fait tomber 34 « tigres » (ministres /gouverneurs) et 2000 « mouches » (cadres). Le problème est que, durant cette phase, Xi n’a rien réalisé du grand plan qu’il avait annoncé avec son 1er Ministre Li Keqiang, de recomposer les rapports entre le Parti, l’économie et la société.
Tout ce qu’il a fait, a été de frapper dans toutes les sphères sociales au sein du Parti et en dehors, des religieux aux journalistes, avocats, chefs d’entreprises ou célébrités. Dès lors, Xi risque de s’aliéner un à un ses alliés potentiels : il doit présenter des résultats au 4ème Plénum du Comité Central d’octobre. Heureusement pour lui, il se savait porté par l’opinion, appréciant sa détermination à briser les nantis.
Le 29 juillet, il fit inculper Zhou Yongkang, 71 ans, (depuis 12 mois aux arrêts, mais encore protégé par ses alliés) pour « corruption multiple ». Zhou, comme son acolyte Bo Xilai, était un pilier maoïste hostile à poursuivre la réforme de Deng. Les deux hommes avaient trempé dans une tentative de coup d’Etat.
Puis lors du traditionnel conclave balnéaire à Beidaihe (06-12/08, Hebei), face la soixantaine de décideurs tétanisés par des enquêtes anticorruption, Xi obtint sans peine le feu vert pour une série de décisions capitales.
Le 22 août, 110ème anniversaire de la naissance de Deng Xiaoping, il annonça une série de réformes de rupture, qu’il justifiait ainsi : « faute d’audace, nous risquons de courir à notre perte, pour le Parti et la nation ».
Xi s’applique à fragiliser les conservateurs : Jiang Zemin (son pénultième prédécesseur), et les deux lieutenants placés par lui dans l’actuel Comité permanent, Liu Yunshan, gardien de l’idéologie et Zhang Dejiang, Président du Parlement. De la sorte, Xi n’aurait plus à attendre 2017, sa 2nde législature, pour entamer ses grandes réformes.
Xi déteste le ton compassé des média, leur censure. Le 18 août, il déclare vouloir les rendre « influents et crédibles », en les fusionnant aux réseaux sociaux. Du coup, Xinhua et Le Quotidien du Peuple se permettent de stupéfiantes audaces, des gags politiques, les photos d’un camp mongol secret pour conservateurs corrompus…
Xi fait arrêter des leaders à la CCTV, et 18 hauts cadres à l’Education nationale, autre secteur dont Liu est patron : camouflet !
Zhang lui, se voit reprocher son obstruction à l’inculpation de Zhou, à la fermeture des camps de rééducation, sa main lourde sur la gestion de Hong Kong…Sous tant d’attaques, ces deux hommes sont fragilisés.
Le 21 août, Xi s’attaque aux consortia publics dont les CEO devraient perdre jusqu’à 70% de leurs salaires, et leurs budgets, souvent dépensés en frais de prestige. Là aussi, on devine un double objectif stratégique (affaiblir ces Etats dans l’Etat), et tactique : récupérer des fonds, pour la politique sociale d’avenir.
Selon une source anonyme sur internet, le « projet central n°1 » fait bâtir un mausolée-musée à Shaoshan (Hunan – cf photo), pour déménager de la Place Tian An Men, la dépouille de Mao Zedong en 2016. Tardivement, précise la source, Pékin veut honorer cette dernière volonté du « Timonier » de reposer au sol natal.
Dans l’APL, l’ancien Etat-major installé par Jiang Zemin est sous enquête, tels les généraux Xu Caihou (30/06) et Guo Boxiong (12/08). En 20 mois, Xi a déjà nommé 11 généraux « à lui », sur les 34 que compte l’armée. Liu Yuan, fils de Liu Shaoqi et son homme lige, s’apprête à passer n°2 à la Commission Militaire Centrale.
Ainsi, Xi Jinping tisse une toile dont pourrait émerger au 4ème Plenum un tournant historique : en cette période fiévreuse et passionnante, la Chine change de visage !
Sommaire N° 28