Editorial : Percée chinoise en mer de Chine du Sud : une vision à long terme

Sous Marins Chinois En ExerciceEn plaçant en mer de Chine sa plateforme de forage à 220 km du Vietnam, la Chine a lancé une « guéguerre », qui se poursuit à l’usure. 

Le 11/06, pour la 3ème fois en 1 mois, la compagnie pétrolière CNOOC, propriétaire, déplaçait à nouveau son île flottante, défendue par une armada de 120 navires (garde-côtes, cargos, chalutiers et frégates de l’APL).

De son côté, Hanoi harcèle les intrus par un essaim de petits navires. Il en résulte, dit Pékin, « 1400 abordages, tous par faute du Vietnam », lequel a quand même vu un de ses chalutiers coulé par un bâtiment chinois.
De même source, les Vietnamiens infesteraient aussi la zone, de plongeurs, filets, fûts vides… Forme de guérilla inspirée par celle des Vietminh, 40 ans en arrière, et seule défense que Hanoi puisse assurer face au Goliath chinois. 

La Chine franchit alors une autre étape en dénonçant (09/06) Hanoi et ses « calomnies » devant le Secrétaire Général de l’ONU, Ban Ki-moon. Elle se garde toutefois d’aller à la Cour Internationale de la Haye, comme l’ont fait les Philippines contre elle, et comme envisage de le faire le Vietnam, pour le même motif (viol de leurs eaux souveraines). Pékin semble espérer un simple vote de soutien de l’Assemblée Générale, où une majorité de pays en voie de développement lui est acquise, du fait de ses programmes d’aide.
Mais la démarche n’est pas sans risque : le jour-même, la Chine se voit invitée par Washington à remettre les pièces du dossier de sa revendication sur 4/5èmes de cette mer, aux dépends de cinq pays riverains. En un souci clair de maintenir le flou juridique, Pékin répond en priant les Etats-Unis et le groupe G7 de ne pas s’ingérer dans ce dossier qui « ne les concerne pas ». 

Il est temps, cependant, d’éclairer les objectifs à long terme de la Chine, en lançant cette action qui bouleverse les données stratégiques de la région.
Ces jours-ci, plusieurs éclairages pertinents sont publiés sur le sujet :
– Le 09/06, Richard Hu, de l’Université Chengchi (Taiwan), y voit l’application d’une stratégie des « 3 batailles », forgée en 2003 par l’armée chinoise.
Appliquée alors contre Taiwan, à présent contre le Vietnam, cette stratégie frappe sur 3 fronts à la fois : Œ l’opinion par une série de coups médiatiques (la plainte à l’ONU, l’accusation envers Hanoi de ne pas indemniser assez les industriels chinois victimes de déprédations),  le terrain psychologique (en « bannissant » le Vietnam de contrats avec les entreprises chinoises), et Ž le terrain légal, en publiant en permanence des milliers de documents qui « prouvent » sa propriété de cette mer.
– De son côté, Yun Sun, chercheur au Stimson Center (USA) précise que Xi Jinping, sans en être forcément partisan, utilise cette action pour renforcer son image d’homme fort et imposer ses réformes futures.
Il le fait aussi, dans la conviction que les Etats-Unis n’interviendront pas, et certain que les bénéfices dépasseront les coûts. Car, selon Yun Sun, toute l’offensive n’a de sens que pour créer un fait accompli, qui sera la base d’inévitables négociations, voire de rétrocession aux pays voisins de miettes de ce qu’elle aura conquis. La restauration des bonnes relations viendra plus tard.
Tout ceci semble valider une approche, digne de Machiavel : toute nouvelle puissance émergeant dans le monde crée son propre droit (de la mer), répondant à ses besoins !

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