Editorial : Printemps de Pékin, 25 ans après – quel bilan ?

La nuit du 3 au 4 juin 1989, les chars de l’armée chinoise pénétraient la Place Tian An Men, mettant fin à six semaines de « Printemps de Pékin », mené par la jeunesse chinoise, qui avait interpellé le pouvoir et ébranlé le régime dans ses fondations. Ont suivi 25 ans de gestion autoritaire, où toute réflexion sur d’autres modes de gouvernance, toute expérimentation de réforme politique ont été bannis. 

Aujourd’hui, pour cet anniversaire du drame, c’est l’heure du bilan. Il est contrasté, avec des succès indéniables, mais aussi des prix à payer pour l’absence de dialogue.

Au chapitre des succès, la Chine s’est modernisée, enrichie.
En 25 ans, elle est passée n°1 mondial en réseau de TGV, autoroutes, en nombre d’internautes… Elle s’est faite usine du monde des PC et de l’automobile, mais aussi des scanners et imprimantes 3D. Des milliers d’hôpitaux ont été construits, pour un fort élargissement de son offre de santé.
Le secret de cet essor a été la dérégulation : l’autonomie octroyée aux villes, au marché, aux PME. Ici, il faut bien admettre que les conservateurs ont appliqué le programme économique des adversaires vaincus, les réformistes.
Soutenus par une main d’œuvre à bas prix de l’exode rural, tous ces efforts ont fait de la Chine un pays puissant et respecté. Ses stratèges formés à l’américaine préparent l’avenir : une force chinoise sur le marché mondial des équipements à bas carbone, un yuan convertible et pilier des échanges… 

Cette gouvernance par contre, n’a pu éviter un certain nombre d’échecs.
Le « laissez-faire », l’absence de presse et de justice libres ont favorisé pollution et corruption. Basée sur une concurrence non régulée par la loi, la croissance devient insoutenable. L’investissement public en infrastructures est de plus en plus redondant. Ruinées par ces chantiers de prestige et à fonds perdus, les provinces doivent aussi payer toujours plus de pensions, d’écoles et logements sociaux pour les migrants, d’investissements de dépollution…au moment même où l’Etat central s’apprête à les forcer à renoncer à leur première source de revenus : l’expropriation abusive. La fiscalité est donc à revoir…
Les paysans s’enrichissent certes, mais trop lentement, et l’actuel droit du sol, faute de garantir la propriété inaliénable de leurs lopins, fait obstacle à la constitution de fermes familiales de 5 hectares, le rêve du 1er ministre, Li Keqiang

Côté religion, privées de la liberté d’assurer elles-mêmes leur formation et le contrôle de leurs rites, en partie forcées de fonctionner dans l’ombre, les églises n’ont pas pu empêcher l’apparition de sectes. Et la même ingérence de l’Etat dans les cultes et la vie religieuse, est un des ingrédients du problème au Tibet et Xinjiang, nécessitant une révision urgente de la gouvernance locale. 

Tentée par la création unilatérale d’un hinterland pétrolier, la Chine connaît depuis 15 ans un nationalisme militant et militaire, avec pour effet de lui aliéner la confiance de ses voisins.
Enfin, ce n’est que récemment qu’ont émergé des problèmes sociaux et stratégiques, revendiquant des approches nouvelles. Depuis 18 mois, Xi Jinping et Li Keqiang s’activent à en rectifier le cours à travers diverses campagnes (cf édito du n°22) – une course contre la montre est engagée.

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