Editorial : Hangzhou – une manif écolo qui tourne mal

Manif Hangzhou'En 2012 à Ningbo (Zhejiang), des milliers de citadins se dressèrent contre une usine de paraxylène «  PX » toxique, forçant les autorités à déclarer l’abandon du projet, en catastrophe. À l’époque Tang Hao, chercheur à Canton, remarquait que « par chance, la manifestation avait été pacifique, mais que rien ne prouve qu’à l’avenir, elles le resteront ». 

C’était une parole prophétique : le 10/05 à Hangzhou (Zhejiang), une violente manifestation eut lieu contre un projet d’incinérateur de déchets, causant 39 blessés—citoyens et policiers. Des voitures de police furent caillassées, incendiées, et une autoroute, occupée. Ce projet est pourtant utile et urgent. Hangzhou produit 9000 tonnes de déchets par jour, au rythme de croissance 17% par an (2 fois plus vite qu’ailleurs en Chine), et ses réserves de dépôts d’ordures seront épuisées dans 6 ans. Il n’y a donc pas d’alternative à l’incinérateur qui, de plus, produit de l’énergie : 5 tonnes de déchets brûlés valent une tonne de houille. Le problème est que la population du canton de Zhongtai (le site prévu) n’a pas été consultée alors que les travaux sont imminents. Or Zhongtai est une villégiature aux portes de Hangzhou, et les résidents redoutent la puanteur d’une unité qui promet d’être la plus importante d’Asie (3000 tonnes par jour dès la 1ère phase). Surtout, si la technologie n’est pas au plus haut niveau, ils craignent des émanations de dioxine cancérigène et de mercure. 

Face aux débordements, les pouvoirs publics réagirent en deux temps, et de façon incohérente. Durant les émeutes, la mairie promit que le projet serait « gelé, le temps de dialoguer, voire abandonné s’il ne convainquait pas la population ». Puis le lendemain, elle publia les photos de 15 « vandales », et fit arrêter 60 manifestants en 24 heures, dénoncés ou identifiés par les caméras de surveillance. Ce revirement s’explique par la violence de la manifestation, qui a surpris les autorités : pour une manif écologique, virer aux déprédations est rare en Chine. Une autre raison est que le Zhejiang est aussi un des fiefs historiques du chef de l’Etat Xi Jinping, et le Parti s’y trouve ouvertement défié. Cette tension est aussi le fruit de l’incapacité du régime à changer de modèle de communication. Sous réserve d’inventaire, les autorités ont tenu leur parole en 2012, à propos de l’unité PX de Ningbo. Mais pour d’autres, ce ne fut pas le cas… 
De même en novembre 2012, Zhou Shengxian, le ministre de l’Environnement promettait que tout chantier industriel « majeur » subirait a priori une « évaluation sociale de risque ». Or pour Hangzhou, cela n’a pas eu lieu. De même, la loi de protection de l’environnement en gestation, exclut pour l’heure toute possibilité aux ONG privées de représenter les citoyens dans tout débat de choix environnemental avec l’Etat. 

Dans un autre domaine, lors du Séminaire franco-chinois de Sécurité Alimentaire (12-15/05 – coorganisé par Carrefour, Institut Mérieux, Danone), Xu Jinghe, juriste à la China Food & Drug Administration, citait l’avancement de la réforme et le travail de fond en cours pour créer, clarifier et faire appliquer les droits et interdictions, aux industriels de l’agroalimentaire. Mais là non plus, les associations de consommateurs n’ont pas été évoquées. Et le nœud du problème est là : les consommateurs, ce sont les « manifestants » de Hangzhou. L’Etat est prêt à les défendre, mais pas à les écouter. À refuser de les associer aux choix environnementaux, la seule place qu’on leur laisse pour défendre leurs intérêts, est la rue.

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