Société : Raid sur le village de Boshe : la colère de Dieu

Boshe, près de Shenzhen, a un petit air (trompeur) de paradis, avec ses 1700 maisons proprettes chaulées, aux toits incurvés, ses canaux, la mer, et ses forêts centenaires de litchis… C’est pourtant là que le 29 décembre, à 4h du matin, frappait l’opération « tonnerre » contre cette cité du crime (cf photo). Les hélicoptères dardaient leurs projecteurs et haut-parleurs dans la nuit, les hors-bords zigzaguaient le long de la plage, et les 3000 hom-mes des brigades d’intervention enfonçaient les portes à coups de bottes, suivis de chiens renifleurs. Pour préserver le secret, ils avaient été dépêchés depuis d’autres provinces. 

<p>Deux policiers furent blessés par balle, et un autre renversé par un véhicule de bandits. A ce prix, 77 labos ainsi que 18 « nids » furent détruits. 182 mafieux arrêtés, 100 tonnes de matériaux de base et 260kg de kétamine étaient saisis. Enfin, 2995 kg d‘ice’ pure étaient saisis, d’une valeur de 9 milliards ¥ (1,2 milliard d’€). 

La molécule d’alcaloïde était produite à partir de deux filières : ◊ la plante éphédra une fois distillée, ◊ des gélules de Contact NT, vasoconstricteur produit par GSK à base de pseudoéphédrine. La rentabilité était immense : trois boites de Contact NT à 11,8¥/pièce suffisaient à créer 1 gramme d’ice, revendu entre 2000 et 3000¥. GSK « coopère avec la justice » pour prouver qu’il n’y est pour rien dans ce détournement de son produit. Déjà sur la sellette sur une autre affaire, le groupe pharma britannique n’avait pas besoin de ce souci en plus…

De toute manière, cet extraordinaire scandale démontre que les bandits ont pu trouver en paix tous les produits nécessaires pour raffiner la drogue et la distribuer : l’Etat et la loi n’avaient aucune emprise pendant des années. L’organisation clanique du village explique en partie ce succès du crime sr la société. Les clans se partageaient l’organisation, les fournitures, la production, la distribution (en Chine, et vers Hong Kong et Macao). L’argent achetait le silence et les soutiens : Cai Dongjia, le secrétaire local du Parti, avait pu faire libérer presque tous les trafiquants arrêtés depuis 2011, et quand on l’incarcéra à Huizhou (Canton) 8 heures avant le raid, il était en train de négocier la libération de son cousin Cai Lianghuo, le cerveau de toute cette mafia. 

Si la situation a perduré pendant trois ans, c’est qu’une défense formidable empêchait les descentes de police. À Lucheng, le chef-lieu, 21 policiers et cadres véreux prévenaient par téléphone: « couvrez-vous ce matin, il va pleuvoir ». En chemin, les guetteurs veillaient: les agents étaient pourchassés à coups de cailloux, de rafales d’AK47, voire kidnappés. Arrivés en ville, ils se voyaient opposer un « mur » de femmes, d’enfants et de vieillards.

Raid BosheÉbahis par leurs découvertes, les policiers manquent de bras pour confisquer tout ce fatras de substances et d’alambics. Bien des bandits se sont évanouis dans la nature. Le nettoyage devrait prendre un an, par 400 agents restés sur place. Mais 8 jours après, tous s’étaient repliés –la police, à Boshe, n’est pas en odeur de sainteté ! 

Pour l’avenir, depuis Pékin et Canton, le pouvoir parle – mais un peu tard – de créer d’autres emplois (fermiers, pêcheurs, micro-industrie) pour faire vivre le village tout en le détournant des paradis artificiels. Mais l’environnement, sols et rivières, sont terriblement pollués par la chimie sauvage tandis que la confiance locale est au plus bas : « Même nos filles et nos garçons ne trouvent plus à se marier », déplore-t-on. Toute une ville est à réinventer !

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